IVG dans la Constitution : journée historique
C’était une journée historique, tant pour les parlementaires que pour les femmes de France : l’IVG a été inscrite dans la Constitution.
Certes, la rédaction est timide. Certes, la clause de conscience des médecins demeure d’actualité, soulevant des interrogations quant à la raison pour laquelle des médecins, ayant le choix parmi une quarantaine de spécialités, opteraient pour la gynécologie si c’est pour ensuite invoquer cette clause de conscience.
Certes, cela ne résout pas la pénurie des centres, des pilules, des personnels soignants, de l’interdiction de pratiquer des IVG chirurgicales pour les sages-femmes. Mais, tout le monde s’accordait à dire que si timide fût ce premier pas, il n’en restait pas moins symbolique.
Symbolique pour les femmes de France et symbolique pour les femmes du monde entier, qui pourront désormais dire à leurs propres législateurs : franchissez le pas, la France l’a fait. Symbolique aussi, car ce congrès — c’est ainsi que l’on nomme la réunion au sein d’une même chambre, la réunion des députés et des sénateurs — était présidé, pour la première fois dans l’Histoire, par une femme : la première présidente de l’Assemblée nationale.
Ouvrant le bal, Gabriel Attal, en tant que Premier ministre, s’est exprimé pour le Gouvernement et personne n’a pu manquer de remarquer que s’il a chaudement remercié certaines parlementaires, il en a oublié deux : Mélanie Vogel au Sénat et Mathilde Panot à l’Assemblée nationale. Or, s’il est vrai que c’est Aurore Bergé, alors présidente du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale qui a cédé le passage, c’est bien Mathilde Panot qui a commencé le processus législatif, aboutissant aujourd’hui à la constitutionnalisation de l’IVG.
La majorité des orateurs, principalement des oratrices, qui se sont succédé ont bien souligné cette portée symbolique et historique. Dès lors, on aurait pu s’attendre à ce que l’ensemble des groupes soit au rendez-vous de la décence.
Malheureusement, il n’en a rien été. Ainsi, Hélène Laporte, vice-présidente assez médiocre à l’Assemblée nationale, a fait la démonstration qu’elle n’était toujours pas au niveau, provoquant un miniincident. Oubliant que le congrès n’est pas une réunion électorale ou un meeting politique, lisant mot à mot son discours, elle a fustigé aussi bien la majorité présidentielle que la gauche.
Les deux orateurs des groupes Républicains ont essayé de rappeler que l’IVG était une œuvre de la droite, tout en rappelant qu’à leurs yeux, il n’était pas utile de l’inscrire dans la Constitution. Enfin, au chapitre de ceux qui ont raté leur rendez-vous avec l’Histoire, citons Bertrand Pancher, qu’on a connu mieux inspiré et qui a profité de l’occasion pour souligner la verticale du pouvoir du président de la République.
Mais, ce sont les oratrices — en dehors de Mme Laporte — qui ont relevé le niveau et ont déclamé des textes inspirés, remerciant les féministes d’hier et d’aujourd’hui, d’ici et d’ailleurs pour leur courage, leurs luttes et pour l’héritage qu’elles ont laissé, soulignant que la relève était là, prêt à continuer le combat pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.
Au milieu de ces remerciements et de ces messages, Claude Malhuret, narrant son expérience de jeune médecin qu’il était à l’époque, a rappelé l’autre facette de l’interdiction de l’IVG : l’infanticide. Orateur de qualité, bon tribun, il a ému l’ensemble de la salle en racontant l’histoire de cette jeune fille, escortée par deux gendarmes dans son cabinet et qui lui ont sommé de constater l’état.
Les équipes de LCP et de Public Sénat étaient évidemment sur place pour filmer et transmettre l’évènement. Une facétie accidentelle du caméraman a permis de montrer que certaines habitudes ont la vie dure. Ainsi, Élisabeth Borne a été prise en flagrant délit de vapotage au sein du congrès.
Ce soir, ces parlementaires pourront se dire qu’ils sont entrés dans l’Histoire, mais que le combat n’est pas terminé.
Les députés et sénateurs ont voté pour à 780 sur l’inscription de l’interruption volontaire de grossesse dans la Constitution française. Le détail du scrutin est disponible ici.
Mise à jour à 19 h le 4 mars 2024 avec le détail du scrutin
Tous les députés Renaissance ont voté pour, à l’exception d’Annie Vidal qui s’est abstenue.
79 sénateurs Les Républicains ont voté pour. 38 ont voté contre, et 14 se sont abstenus. Quant à leurs homologues de l’Assemblée nationale, ils sont 43 à avoir voté pour, 12 contre et 4 se sont abstenus.
46 députés RN ont voté pour, dont Marine Le Pen, 11 ont voté contre, 20 se sont abstenus.
Tous les députés de La France Insoumise ont voté pour, de même que tous les sénateurs socialistes, les députés socialistes, les députés Horizons, les écologistes de l’Assemblée nationale et du Sénat, les communistes de l’Assemblée nationale et du Sénat, les RDSE.
À l’Union Centriste, 42 ont voté pour, 6 sénateurs ont voté contre, 8 se sont abstenus.
Au MoDem, tous ont voté pour sauf Vincent Bru qui s’est abstenu.
Chez LIOT, tous ont voté pour sauf Nathalie Bassire, qui a voté contre. Chez les Indépendants du Sénat, 15 ont voté pour, Laure Darcos et Vanina Paoli-Gagin se sont abstenues. Quant à Joël Guerriau, il est indiqué non-votant.
Enfin, chez les non inscrits, Véronique Besse et Emmanuelle Ménard ont voté contre, tout comme Stéphane Ravier au Sénat.
On note que dans la majorité présidentielle, Jean-Baptiste Lemoyne a voté contre la constitutionnalisation de l’IVG, seul membre du groupe RDPI (majorité présidentielle au Sénat) à l’avoir fait.