Remontada - Carnets de route d'un dissident
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Journal de campagne : le livre de Stéphane Vojetta

« J’ai presque envie d’en faire un livre de cette campagne.
Fais-le. Des bouquins sur les élections en France, on en a. Sur la manière dont on fait campagne quand on brigue un siège de député pour les Français de l’étranger, non. »

Cet échange a lieu il y a bientôt un an entre l’auteur de ces lignes et Stéphane Vojetta, député de la cinquième circonscription des Français de l’étranger. 

Un an plus tard, on retrouve le député à la Rambla de Catalunya, à un jet de pierre de la Pedrera. Il n’arrive pas les mains vides. L’objet du délit ? Le fameux livre, encerclé par des tapas, sous le soleil de Barcelone. Entre deux tapas, sous la douceur du soleil, on débriefe de l’actualité, de la loi sur les influenceurs, mais, surtout, de son livre. 

Désormais « célèbre » auprès des médias parisiens, elle regroupe Andorre, Monaco, le Portugal et notamment l’Espagne. Pourquoi célèbre ? Tout simplement parce qu’à la consternation générale, Manuel Valls y a été investi au détriment de Stéphane Vojetta, député sortant, par la majorité présidentielle. 

On connaît les grandes lignes de la suite : Manuel Valls est éliminé au premier tour, Stéphane Vojetta est réélu et de nouveau dans les bonnes grâces de la majorité présidentielle. 

Les Français de l’étranger : cet électorat à part 

Habituellement, les Français de l’étranger n’intéressent politiquement et médiatiquement que très peu de gens. Les seuls qui aiment ce sujet sont les expatriés, les futurs expatriés ou les férus d’affaires étrangères. On ne parle que très peu d’eux et de leur situation. Électoralement, ils ne sont ni sexys ni rentables. Ils ne vont pas manifester, ils ne votent que peu — surtout pour des raisons de logistiques — ils ne font pas basculer les scrutins, dans un sens ou dans un autre. 

Contrairement à une campagne en France métropolitaine, il est difficile de suivre au jour le jour un candidat dans une circonscription des Français de l’étranger. En dehors de la logistique et des frais, les moyens de faire campagne ne sont pas totalement les mêmes. En France — essentiellement en France métropolitaine — un candidat tracte sur les marchés, organise des réunions dans les villes, villages ou arrondissements, visite les maisons de retraite, etc. 

L’atout du livre réside dans son mode d’emploi. Si cela avait été une vidéo YouTube, on aurait pu la titrer « tuto pour devenir député des Français de l’étranger ». Ce qui amène à un point qui peut paraître anecdotique. Stéphane Vojetta, détenteur de la médaille « le tombeur de Manuel Valls » est aussi connu pour ses sorties de route sur Twitter. On peut les qualifier de malheureuses ou de maladroites par moments. Depuis Paris, on peut s’interroger : un député doit-il tweeter ainsi ? Doit-il s’exprimer de cette façon ? À sa manière, Stéphane Vojetta répond à cette question et défend son cas. On se permettra de divulguer cet élément du livre. Oui, quand on est député des Français de l’étranger, on a plus de libertés dans son expression, car les expatriés sont moins sensibles aux chamailleries politiciennes. Par ailleurs, pour cette circonscription, l’essentiel de la communication passe par Facebook et WhatsApp. Leurs intérêts portent sur des questions terriblement pragmatiques : renouvellement des documents d’identité — surtout pour les insulaires des Baléares et des Canaries — frais de scolarité des enfants dans les établissements français, fiscalité appliquée à la résidence secondaire sur le sol français, double imposition éventuelle, versement des pensions et des retraites, etc. 

Les Français de l’étranger sont différemment politisés de leurs compatriotes restés en hexagone ou en outre-mer : certains vont s’impliquer localement, notamment dans les élections municipales, mais, ce qui peut faire les grandes heures de débats des chaînes d’information en continu, ne les intéressent absolument pas. Ce n’est pas leur quotidien. Ce qu’ils vont scruter avec attention pour les élections législatives est la capacité du candidat à porter « leurs » sujets à Paris, plus au Quai d’Orsay dont ils dépendent qu’à l’Assemblée nationale — hors textes budgétaires. 

Petit chose contre Matador 

On aurait donc pu croire que Manuels Valls allait balayer d’un revers de la main « le petit chose » Vojetta, arrivé presque par accident à l’Assemblée nationale. Lui, l’ancien Premier ministre, le cador de la politique, le détenteur d’un carnet d’adresses à faire pâlir n’importe qui, il aurait dû l’emporter haut la main, sans se fatiguer. 

C’était sans compter sur l’historique du personnage et son passif, aussi bien en France qu’à Barcelone. Stéphane Vojetta se fait le narrateur de ce passif et donne sa version sur le déroulé probable de l’investiture de Manuels Valls. 

Justement, qu’en est-il du « potin » politique ? Après tout, une bonne partie des accros aux livres politiques le sont pour les potins parisiens. Ils sont gentiment distillés à travers l’ouvrage, sans trop de méchanceté gratuite, mais on sent que l’auteur a été blessé par le reniement de son propre parti et surtout, de la personne dont il a été le suppléant pendant plusieurs années. Certaines anecdotes sont déjà connues des journalistes ou du personnel politique. Rétrospectivement, après un an de mandat, elles n’en sont que plus savoureuses. C’est ainsi que l’on apprend que chez LREM, tout ne monde n’est pas gentil et tout le monde n’est pas courageux. Par ailleurs, en Espagne, les électeurs n’ont manifestement aucun problème de mémoire.

Un an déjà

La date de publication ne doit rien au hasard : cela fait un an que Stéphane Vojetta a gagné sa réélection. Mais, pas de maison d’édition classique pour cet ouvrage, bonjour Amazon Kindle Publishing. Pourquoi ? Nous reproduisons sans ajout sa réponse : 

« D’abord pour avoir le contrôle du calendrier, puisque je n’ai pris que récemment la décision définitive de publier, et qu’une maison d’édition aurait dû me caser dans son pipeline, alors que là je choisis de lancer le livre le jour de l’anniversaire de la législature. Il y a aussi un aspect entrepreneurial, la volonté de garder le contrôle éditorial, de travailler avec des freelances pour la mise en page, et de tester le système Amazon Kindle Publishing qui permet d’imprimer les livres sur commande, à l’unité (et donc sans avoir à imprimer à l’aveuglette puis devoir recycler les invendus) et tout cela dans une imprimerie située en France, à Brétigny-sur-Orge (Essonne). Enfin j’ai aussi décidé de publier en autoédition en format électronique et imprimé (broché), afin de permettre au plus grand nombre d’y avoir accès au moindre coût, notamment dans sa version ebook (je pense notamment aux Français de l’étranger qui n’ont pas de librairie française en bas de chez eux). Je ne publie pas cet ouvrage pour en faire un gagne-pain. Au contraire, les éventuels premiers 20 000 euros de bénéfices seront distribués à des associations de ma circonscription, notamment caritatives ».

Stéphane Vojetta se rappelle que l’on ne fait pas campagne seul. Une large place est faite aux électeurs, aux militants, aux collaborateurs et à sa famille dans son livre, qui se lit assez bien. La plume gagnerait à être plus travaillée, plus fluide et peut-être mieux structurée. Néanmoins, on pardonnera aisément ces erreurs, qui se corrigent avec le temps et la pratique. Le livre est disponible sur Amazon.


Boîte noire

Les lecteurs du Projet Arcadie qui liraient le livre de Stéphane Vojetta découvriront que l’auteur de ces lignes figure dans les remerciements. Comme l’article l’indique, le projet était connu dès l’origine et Stéphane Vojetta a eu la gentillesse d’en donner la primeur à Projet Arcadie.