
Justice des mineurs : un texte sévère largement amputé par le Conseil constitutionnel
Ce jeudi 19 juin 2025, le Conseil constitutionnel a rendu sa décision concernant la proposition de loi visant à renforcer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents.
Œuvre de Gabriel Attal, dont il voulait se prévaloir pour se construire une figure d’autorité, le texte a été largement amputé par les Sages de la rue Montpensier. Sur les dix articles que comptait la proposition de loi, six ont été censurés.
Un compromis a minima
Le rapporteur Jean Terlier (Ensemble pour la République) avait défendu un texte « opérationnel, juridiquement solide et respectueux des équilibres politiques ». Il a insisté sur la nécessité de doter la justice d’outils plus rapides, comme l’audience unique en comparution immédiate pour les mineurs de 16 ans déjà connus de la justice, dans les cas de délits graves.
Le compromis avait été trouvé sur l’âge : certains parlementaires souhaitaient abaisser la limite, non pas à 16 ans, mais à 15 ans.
Toujours selon le rapporteur du texte, il faut réagir vite pour éviter la récidive et renforcer la portée pédagogique de la sanction. « Il s’agit de responsabiliser les parents et de réarmer l’État face à des délinquants toujours plus jeunes », plaidait-il.
Muriel Jourda (LR) assumait le durcissement de certaines dispositions, tout en se félicitant des compromis acceptés : recul de l’âge minimal pour la comparution immédiate à 16 ans — contre 15 dans une version antérieure —, encadrement juridique du couvre-feu et maintien d’nouveaux outils pour les juges, notamment en matière de terrorisme ou de bande organisée.
La responsabilité des parents a également été mise dans la balance : en cas de dommages causés par leurs enfants mineurs, ils seront responsables jusqu’à hauteur de 7 500 €. Mais l’article 3 précise que l’assureur ne peut exiger davantage de leur part.
Une logique punitive pour la gauche
Face à ces mesures, les critiques ont été virulentes du côté de l’opposition. Élisa Martin (LFI), Pouria Amirshahi (Écologiste) ou encore Christophe Chaillou (PS) dénoncent un texte « uniquement répressif », déconnecté des réalités sociales.
Cette opposition s’est traduite lors du scrutin du mardi 13 mai 2025 : tous les groupes constituant le Nouveau Front Populaire ont voté contre ce texte.
Ils regrettaient un affaiblissement du principe éducatif, pourtant au cœur de l’ordonnance de 1945, fondatrice de la justice des mineurs. « Ce texte constitue un tournant, avec la remise en cause de l’atténuation de responsabilité pour les mineurs récidivistes », déplore Élisa Martin.
Le groupe socialiste fustigeait quant à lui une loi d’affichage politique, « sans impact réel sur la récidive », faute de moyens pour la justice ou l’aide sociale à l’enfance. Sophie Briante Guillemont (RDSE) s’inquiétait même de risques d’inconstitutionnalité, notamment vis-à-vis de la Convention internationale des droits de l’enfant.
Le clivage droite-gauche était largement ressorti lors de l’examen du texte, et ce sont les parlementaires de gauche qui ont saisi le Conseil constitutionnel.
Une censure nette sur les mesures les plus répressives
L’article 4, qui prévoyait une comparution immédiate pour les mineurs, a été censuré. Le Conseil constitutionnel a estimé qu’il contrevenait aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en matière de justice des mineurs.
Son interprétation a été identique pour l’article 5, qui prévoyait le recours à un juge unique.
L’allongement de la détention provisoire, prévu dans le a) de l’article 6, a subi le même sort pour les mêmes raisons. L’article 7, qui prévoyait automatiquement l’exclusion de l’excuse de minorité, a aussi été sabré.
C’est également le cas de l’article 12 qui prévoyait une rétention de douze heures pour le mineur.
Enfin, l’article 15 a été supprimé parce que cavalier : « ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec celles de l’article 4 qui instauraient une procédure de comparution immédiate applicable aux mineurs, ni avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans la proposition de loi déposée sur le bureau de la première assemblée saisie. »
Deux mesures sauvegardées et un revers politique
La responsabilité renforcée des parents, prévoyant des peines plus lourdes en cas de négligence, a été jugée conforme à la Constitution, de même que l’instauration d’un couvre-feu encadré.
Pour Gabriel Attal, c’est un échec politique. Mais il ne porte pas seul la responsabilité de cet échec. D’origine parlementaire, le texte est le fruit des fantaisies législatives des députés et sénateurs, qui ont voulu montrer qu’ils avaient des réponses à fournir face à la violence chez les mineurs.
C’est aussi la marque de cette première année de législature. Le Gouvernement étant aux abonnés absents, les députés sont en roue libre sur l’écriture de la loi, n’étant pas obligés de s’encombrer d’un avis préalable du Conseil d’État ni d’une étude d’impact. Résultat : des lois mal écrites, bavardes, mal coordonnées, et un Conseil constitutionnel qui sort les ciseaux.
Reste à voir quand les décrets d’application de ce texte sortiront. Dans ce domaine, comme le montre le baromètre de l’application des lois et un papier récent de nos confrères de Public Sénat, le Gouvernement semble être en vacances prolongées.