La petite enfance : la sacrifiée du projet de loi sur le plein emploi
Durant la séance de l’après-midi, après les Questions au Gouvernement, les députés ont repris l’examen du projet de loi sur le plein emploi.
Ce texte prévoit de nouvelles obligations pour les allocataires du RSA et instaure l’obligation d’effectuer 15 h d’activités hebdomadaires. Néanmoins, ils devront bénéficier d’un accompagnement, notamment en ce qui concerne ce que l’on appelle les freins à l’emploi. Que sont les freins à l’emploi ? Ce sont les difficultés du quotidien, qui empêchent les personnes de retrouver un emploi, si possible à temps complet en CDI. Il y a les problèmes liés à la santé, au handicap, au logement, mais aussi, la question des enfants.
En effet, il y a énormément de familles monoparentales dans les allocataires du RSA, principalement des femmes. Dit autrement, ce sont surtout les mères célibataires, avec des enfants en bas-âge, sans solution de garde, qui sont empêchées de travailler.
Si le texte en lui-même n’est pas un chef-d’œuvre en matière de politique sociale, il avait la bonne idée d’inclure tout un article organisant la gouvernance en matière d’accueil du jeune enfant. Derrière cette expression un peu technocratique, cela signifie que le Gouvernement met en place des règles pour que les parents puissent trouver plus facilement des solutions de garde.
Deux entités auraient été compétentes pour cela : en premier lieu, les communes, aidées des départements. Les premières devaient recenser les besoins dans leurs villes et trouver des solutions pour les parents, et cela, dans toutes les communes de France. Par la suite, les communes devaient anticiper les besoins futurs en la matière, si elles ont plus de 3500 habitants.
Le texte prévoyait d’autres obligations spécifiques et techniques. Point essentiel : contrairement à d’autres parties du projet de loi sur le plein emploi — on ne sait toujours pas précisément combien va coûter la refonte de Pôle Emploi en France Travail — l’article 10 était budgété.
Problème : les députés, dans un bel ensemble LFI — RN — LR ont voté les amendements de suppression de l’article 10. Pour eux, le sujet méritait un véritable texte dédié et non une insertion dans un texte concernant le plein emploi. D’autant que si les différents ministres ont assuré que les parents au RSA se verraient proposer des solutions de garde pour les jeunes enfants lors des débats parlementaires, grâce à cet article, rien dans la loi ne le dit explicitement. Néanmoins, à la lecture des débats en commission et en séance publique, on sait que c’était l’objectif du Gouvernement.
Quant au fait d’y consacrer un texte dédié et non une insertion dans un autre projet de loi, l’argument peut s’entendre juridiquement.
Faut-il voir dans le vote de cet amendement de suppression de l’article 10, un véritable désir législatif ou une simple revanche politicarde, du niveau du bac à sable ? On penche plus pour la seconde option, en raison de l’intervention tout sourire qui a suivi de Louis Boyard. Prenant le micro, ce dernier a tenu à féliciter à sa façon Aurore Bergé en lui indiquant que le premier texte qu’elle défendait essuyait un échec. Il a poursuivi en l’appelant la ministre des fonds d’investissement privés. Autant dire qu’on a connu des classes de maternelle beaucoup plus matures que certains députés.
D’autant que si les députés qui ont fait tomber l’article 10 peuvent se réjouir de supprimer une disposition qui aurait pu changer concrètement la vie de beaucoup de parents, leur joie va être de courte durée.
En effet, on rappelle que l’article 101 du règlement de l’Assemblée nationale prévoit la possibilité pour le Gouvernement de demander une seconde délibération. Le vote sur le texte aura lieu le mardi 10 octobre 2023, après les Questions au Gouvernement, donc avec tous les députés. La seconde délibération est de droit. Par ailleurs, le texte doit encore passer par la commission mixte paritaire (CMP) et il est tout à fait possible de réintroduire des dispositions supprimées lors de la séance publique en CMP.
Le détail du scrutin de l’amendement de suppression est disponible ici.