Le revirement de la présidente de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi LIOT fait peser un gros risque sur la fragile sérénité de la chambre basse. 
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La PPL LIOT menacée : une nouvelle jurisprudence ?

Le revirement de la présidente de l’Assemblée nationale sur la proposition de loi LIOT fait peser un gros risque sur la fragile sérénité de la chambre basse. 

La semaine dernière, la présidente de l’Assemblée nationale semblait se refuser à invoquer l’article 40 de la Constitution, pour bloquer l’examen et la possible adoption de la proposition de loi du groupe LIOT, abrogeant le recul de l’âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d’une conférence de financement du système de retraite

Ce matin, nos confrères de Chez Pol indique qu’un revirement aurait eu lieu et que la présidente souhaite désormais l’invoquer, au motif de l’irrecevabilité financière du texte. Nous renvoyons le lecteur vers la fiche très détaillée sur l’article 40 sur le site du Sénat ainsi que vers un rapport d’information sur l’initiative parlementaire, toujours sur le site du Sénat. 

Les détracteurs du texte disent que ce dernier n’est pas financé. Cela est à moitié vrai : il est gagé, comme l’indique l’article 3 de la proposition de loi, à charge pour le Gouvernement de « lever » le gage, c’est-à-dire, accepter que le texte soit financé par le dispositif prévu dans le texte. Ici, comme c’est très souvent le cas, sur le tabac. 

On ne peut être que surpris par ce revirement et par la potentielle nouvelle jurisprudence qui pourrait en découler. En effet, on ne compte plus les textes qui proposent un gage sur le tabac pour être financé. Mais, pour donner quelques exemples, la proposition de loi de Frédéric Valletoux visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels, propose un gage sur le tabac. Tout comme la proposition de loi de Jean-Louis Thiériot visant à encourager l’engagement des jeunes dans la réserve militaire et chez les sapeurs-pompiers volontaires

À charge par le Gouvernement de lever ou non le gage par la suite, mais, la coutume « veut » qu’on laisse un texte poursuivre son chemin en commission, puis en séance publique, avant de refuser ou non la levée du gage. 

La décision que semble avoir prise la présidente de l’Assemblée nationale, en contradiction avec celle du président de la commission des finances Éric Coquerel, risque de créer un fâcheux précédent à l’Assemblée nationale et d’échauffer les esprits. Il est probable que l’intersyndicale ne voit pas cette décision d’un bon oeil. 

Au-delà de la question de la jurisprudence éventuelle qui pourrait découler de cette décision et de la guerre des nerfs qui va suivre, on s’étonne du manque de stratégie de la majorité présidentielle. S’il y avait effectivement un risque que la réforme des retraites ne soit pas adoptée par l’Assemblée nationale, il n’en allait pas de même au Sénat. On ne comprend pas pourquoi le Gouvernement ne laisse pas tout simplement le texte se « perdre » dans la navette parlementaire. Même s’il est présenté et adopté le jeudi 8 juin 2023 — ce qui commence à devenir de plus en plus improbable — rien ne dit qu’il en sera de même au Palais du Luxembourg. 

Si la présidente de l’Assemblée nationale franchit le Rubicon, il est évident que l’opposition ne se privera pas de torpiller toutes les futures propositions de loi qui seront déposées, au titre de l’article 40, bloquant ainsi toute initiative parlementaire future.