La première séance publique des députés
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La première séance publique de l’Assemblée nationale : une curiosité

La toute première séance publique à l’Assemblée nationale possède certaines caractéristiques, qui la rend vraiment unique. 

Un hémicycle complet

La première séance publique à l’Assemblée nationale est vraisemblablement la seule séance où tous les députés sont présents. Certains vont perdre leur mandat d’ici à quelques semaines. En effet, à l’issue du second tour des élections législatives, certains candidats malheureux ne se privent pas de saisir le Conseil constitutionnel pour contester le résultat des élections. Ils font valoir que l’élection ne s’est pas déroulée dans de bonnes conditions, que le vainqueur a utilisé des moyens contraires ou prohibés par le Code électoral, etc. le Conseil constitutionnel est le gardien des élections pour les députés. Par ailleurs, la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) va examiner tous les comptes de campagne des députés pour vérifier que tout est régulier. Ces dernières années, elle ne s’embarrasse plus : le moindre doute, le plus petit document manquant, elle transmet au Conseil constitutionnel pour statuer. 

Cette dernière peut invalider l’élection et décider d’ajouter une inéligibilité. Sous la XVe législature, une député du Val-d’Oise a perdu son mandat, simplement parce que son suppléant n’aurait pas dû être son suppléant. Le député de Belfort a perdu son mandat à cause de deux tracts. Un autre de Guyane a vu son élection annulée à cause de l’absence d’assesseurs dans le bureau de vote, etc. Certains vont devenir ministres dans quelques jours, quelques semaines ou quelques mois, les députés qui vont être missionnés, ceux qui représentent l’outremer ou les Français établis à l’étranger vont aller en circonscription, etc.

Pour cette séance, les députés n’ont pas leur place attitrée : ils sont placés par les huissiers de séance, dans l’ordre alphabétique. Ce n’est que plus tard qu’ils seront placés en fonction de leur groupe parlementaire. Ainsi, certains députés, de bords politiques parfaitement opposés, se sont trouvés placés côte à côté, tels que François de Rugy et François Ruffin ou Jean-Luc Mélenchon et Emmanuelle Ménard. 

Le premier scrutin

Le premier acte officiel du député est le vote pour le Président de l’Assemblée nationale. C’est généralement un député, avec au moins un mandat derrière lui, issu de la majorité présidentielle et qui est soutenu par l’Élysée. Pour conserver les apparences, les groupes d’opposition — qui ne sont pas encore officiellement constitués — proposent également un nom. 

Comme il n’y a pas encore de président pour présider la séance, on fait appel au député le plus âgé pour présider la séance. On l’appelle le président d’âge ou doyen d’âge. Sous la XVe législature, ce rôle a échu à Bernard Brochand. Cela a permis à tout le monde de connaître son timbre de voix, ce dernier n’ayant plus pris la parole en séance publique depuis le début de cette législature. Avec l’aide des six députés les plus jeunes, il va organiser ce premier scrutin. Ces derniers font office de secrétaires, juste le temps de cette séance.

On va aussi enrôler des scrutateurs, littéralement des gens qui vont être là pour observer. Ils sont tirés au sort. Il leur est demandé de regarder et ils prennent part au vote lorsqu’ils sont appelés. Enfin, on va tirer une lettre au sort et faire commencer le scrutin par cette lettre. Sous la XVe, la lettre U a été tirée, donc on a commencé par appeler les députés dont le nom commençait par la lettre U, à tour de rôle. Puis, la lettre V, W, Z et on reprend le début de l’alphabet, jusqu’à ce que tous les députés se soient exprimé. Un par un, les députés vont défiler, monter à la tribune et voter.

Le seul scrutin totalement anonyme

Pour ce premier scrutin et c’est presque une curiosité, on vote par papier et de façon anonyme. C’est l’un des rares scrutins où on ne sait pas qui a voté quoi. Les habitués diraient qu’on ne sait pas non plus comment votent les députés pendant les débats, ce qui est à la fois vrai et faux. Cela est vrai pour les spectateurs : ils ne connaissent pas tous les députés par cœur et n’ont pas une vision d’ensemble de l’hémicycle. C’est donc faux pour les huissiers et le président ou la présidente de séance sait qui sait qui a voté quoi sur quel amendement. Dans le cas de l’élection du président de l’Assemblée nationale, personne ne sait qui a voté quoi.

Le Président est élu. Il quitte son modeste siège de député, pour s’installer dans le très prestigieux fauteuil au perchoir. Pour le confort, cela reste à vérifier. Disons que le confort peut être compensé par le prestige de la fonction. La France étant adepte de dorures et de symboles, il n’est pas à l’ordre du jour de remplacer le mobilier actuel par des chaises de bureau plus confortables et plus adaptées aux différentes morphologies. 

Ce n’est qu’après avoir choisi le Président de l’Assemblée nationale que les députés vont pouvoir choisir leurs questeurs, leurs secrétaires et permettre la constitution du Bureau de l’Assemblée nationale. Cette première séance est assez courte, mais constitue le premier acte politique des députés, nouvellement élus.