L’Assemblée nationale se met au classement des ministres
Le député a trois fonctions : faire la loi — même si en ces temps d’utilisation compulsive de l’article 49 alinéa 3, cette fonction semble tomber en désuétude — contrôler l’action du Gouvernement et évaluer les politiques publiques.
Pour contrôler l’action du Gouvernement, les députés peuvent utiliser des questions écrites. Elles sont limitées en nombre, en raison de certains abus commis dans le passé. Nous renvoyons le lecteur vers le rapport sur l’activité réelle des députés.
Problème : les ministres « oublient » de répondre aux questions, ce qui n’est pas très poli. Ce dédain est aussi dommageable aux citoyens. En effet, si les Questions au Gouvernement sont un chef-d’œuvre d’inutilité, oscillant entre fayotage et propos orduriers, les questions écrites sont un bon moyen pour les parlementaires d’interpeller calmement un ministre, sur une situation spécifique. On a presque envie de dire que c’est un outil de médiation des conflits. Par ailleurs, cela constitue une très bonne base documentaire pour les juristes, mais également pour les journalistes parlementaires. Tout ne se dit pas en séance publique ni en commission : il peut subsister des silences dans la loi ou dans le règlement.
Mais, comment savoir quels sont les mauvais élèves dans le Gouvernement ? Actuellement, il faut reprendre la liasse de questions écrites et faire ses propres statistiques. Le dossier se présente sous la forme de fichiers XML ou JSON, qu’il faut ensuite travailler. En résumé, pour le citoyen « ordinaire », cela n’est pas lisible ni aisé.
Dans un courrier adressé hier à tous les députés, la Présidente de l’Assemblée nationale annonce l’arrivée d’un nouvel outil : un tableau de suivi en temps réel des réponses aux questions écrites, ainsi qu’un classement des ministères actualisé chaque semaine. Elle ajoute « cela constituera une incitation forte pour que vous ayez des réponses à vos questions dans les meilleurs délais, ce que je ne cesserai pas de réclamer ».
Voilà qui est dit. Les informations seront disponibles à partir du lundi 30 octobre 2023.
En attendant, nous avons établi notre propre tableau.
Au 26 octobre 2023, il y avait 12 464 questions écrites. 40 % (4943) sont restées sans réponse à ce jour et 59 % ont obtenu une réponse (7413). Notons qu’il y a trois cas spécifiques qui sont quasiment anecdotiques : les questions dont on peut dire qu’elles sont abandonnées en raison de la fin du mandat du député (59 questions), les questions retirées à l’initiative de l’auteur (53 questions) et une question retirée, car identique à une autre.
Les ministères qui reçoivent le plus de questions sont le ministère de la Santé et de la prévention, le ministère de l’Intérieur et des outre-mer et le ministère de l’Économie, des Finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

C’est donc tout naturellement qu’on retrouve ces trois ministères dans les pires élèves en matière de réponses aux questions écrites des députés.

Qu’en est-il du délai ? En théorie, les ministres ont deux mois pour répondre et les députés peuvent renouveler leur question si un délai de trois mois est passé. Abstraction faite des questions laissées sans réponse à ce jour, le délai moyen pour obtenir une réponse à une question écrite est de 99 jours.
Espérons que ce classement régulier poussera les ministres à faire preuve de plus de diligence.Quitte à ajouter un élément à la liste de Noël, on aimerait aussi un classement des ministères sur les décrets d’application des lois votées.
Mise à jour du lundi 30 octobre 2023 à 11 h 50.
La page avec les statistiques des questions écrites a été mise en ligne et se trouve à cette adresse. Vous pouvez également retrouver les statistiques par ministères à cette adresse.