Le cumul des mandats chez les parlementaires - Premier trimestre 2023
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Le cumul n’est pas mort

Alors que la France entière se prépare à une grève massive suite à la très controversée réforme des retraites, la question de la réforme des institutions refait surface.

Souvenez-vous : en 2017, Emmanuel Macron promettait de réformer les institutions, en premier l’Assemblée nationale, avec une réduction du nombre de députés, leur élection à la proportionnelle et d’autres points. Mais, Alexandre Benalla est venu perturber la mécanique bien huilée de l’époque, provoquant la fin de l’état de grâce du Président. 

On pensait que ce projet, d’une assez rare stupidité, avait été enterré. C’est alors que Stéphane Séjourné, dont on avait oublié l’existence malgré son rôle de chef du parti présidentiel, a remis le sujet sur la table. Au menu : proportionnelle aux élections législatives, baisse du nombre de parlementaires, référendum d’initiative partagée facilitée, réforme du Conseil constitutionnel, fin des grandes régions et aménagement de la loi sur le non-cumul des mandats

Sur ce dernier point, on sait qu’il sera soutenu par Karl Olive, député de la majorité présidentielle. Depuis son élection en 2022, il n’a de cesse de terroriser ses collègues de groupe sur ce sujet. Et n’étant décidément pas sectaire, il a même cosigné une proposition de loi organique avec des députés non-inscrits, Libertés et territoires, Rassemblement national et Républicains.

Curieusement, personne ne paraît s’être offusqué de ce drôle d’attelage, ni de son exposé des motifs « Les élections législatives de 2017, avec 91 % de primo‑élus à l’Assemblée nationale dans le groupe majoritaire, ont mené à un cruel manque de connaissance et de compréhension des circonscriptions ; cet affaiblissement n’étant certainement pas totalement étranger au mouvement des gilets jaunes ». 

Objectif : permettre aux parlementaires de redevenir maires ou présidents d’intercommunalité. Aujourd’hui, ce n’est plus possible, ils ne peuvent être que conseillers. 

Au-delà de l’inélégance de Karl Oliver envers ses camarades de groupe, force est de constater que le cumul des mandats législatifs et exécutifs se porte très bien. 

En effet, suite à une refonte des champs concernant les mandats locaux sur Projet Arcadie, il est désormais possible d’avoir une vision assez juste du cumul des mandats, y compris des mandats intercommunaux. 

Sur 1001 parlementaires — députés, sénateurs et députés européens — 550 cumulent leur mandat législatif avec un mandat exécutif local. Dans le détail, cela donne 318 députés, 210 sénateurs et 22 députés européens. 

Le cumul de mandat chez les parlementaires
Le cumul de mandat chez les parlementaires au premier trimestre 2023

Pour l’implantation locale, c’est dans la région Auvergne-Rhône-Alpes qu’on retrouve le plus de parlementaires cumulards. Quant aux partis, ce sont les Républicains qui dominent le classement avec 157 parlementaires qui cumulent, suivi du Rassemblement national et du Parti socialiste. 

Sans surprise, c’est le mandat de conseiller municipal qui est le plus présent chez les élus qui cumulent, avec 321 parlementaires qui sont aussi membres d’un conseil municipal, suivi du mandat de conseiller communautaire. Il n’est d’ailleurs pas rare de trouver des parlementaires membres de conseils municipaux et de conseils communautaires. 

On peine à comprendre pourquoi les parlementaires, surtout les députés — chez les sénateurs, en raison du mode d’élection, on comprend pourquoi ils tiennent au cumul des mandats — veulent revenir sur une mesure qui a été largement acceptée et plébiscitée par les Français. Les députés sont les premiers à déplorer la charge de travail à l’Assemblée nationale. Il semble évident qu’ajouter un mandat local ne viendra pas alléger les agendas, déjà en situation d’obésité morbide. Quant aux indemnités, elles sont écrêtées, c’est-à-dire qu’un parlementaire ne peut pas percevoir plus qu’une certaine somme. 

Les partisans du cumul des mandats avancent qu’il permet un meilleur ancrage territorial, oubliant au passage, les enseignements de 2017 et de 2022. Si on ne peut pas ne pas relever un certain amateurisme chez les députés élus en 2017, y compris dans les oppositions, rappelons que les amateurs en question ont balayé assez largement des barons locaux, qui pourtant cumulaient encore. 

Admettons que l’élection de 2017 soit un heureux hasard, dû à un alignement des planètes. Dans ce cas, comment expliquer que sur les 213 députés réélus en 2022, dont c’est le second mandat de député, seuls 97 cumulent ? Sur les 116 qui ne cumulent pas, 62 sont issus de la majorité présidentielle. 

À l’inverse, chez les primodéputés de la XVIe législature, on voit que le mandat local a clairement servi de marchepied vers le palais Bourbon. Sur les 318 députés cumulant, 179 en sont à leur premier mandat, majoritairement issus du Rassemblement national. 

Le fait qu’il y ait eu des députés réélus, sans pour autant qu’ils cumulent avec un mandat local, malgré un contexte politique très particulier en 2022, montre que l’équation mandat local = ancrage local ne tient pas la route. Le groupe parlementaire qui illustre le mieux l’inexactitude de cette équation est La France Insoumise. À l’exception de Muriel Ressiguier, tous les députés LFI ont été réélus et certains même mieux en 2022 qu’en 2017. Sur les 71 parlementaires (66 députés – 5 députés européens) qui sont membres du parti politique La France Insoumise, ils ne sont que 18 à cumuler avec un mandat local.

S’il est vrai que sur les députés qui ne cumulent pas, un tiers sont issus des circonscriptions de la région Île-de-France, ce qui leur donnait un avantage comme on peut le voir dans le dernier ouvrage du Projet Arcadie, ce n’est pas le cas des autres. 

Vous pouvez retrouver ces données dans ce tableau thématique, dans le moteur de recherche croisée et sur les fiches des parlementaires. Les données seront actualisées tous les trimestres.