Les eurodéputés RN continuent de relayer les éléments de langage de VOX - Copyright : AFP/François Walschaerts
L'Europe

Le RN s’inquiète pour la liberté de la presse en Espagne… et oublie le cas français

Décidément, les eurodéputés du RN sont très intéressés par ce qui passe chez nos amis espagnols. C’est ainsi qu’à travers une question écrite, le groupe interroge la Commission sur un projet de loi de Pedro Sánchez, Premier ministre espagnol, portant sur la presse et les partis politiques. 

L’Espagne à l’avant-garde

Lors du Conseil des ministres du 17 septembre 2024, le Gouvernement espagnol a présenté un plan d’action pour la démocratie, visant à renforcer la transparence, le pluralisme et le droit à l’information

L’inquiétude des parlementaires réside dans la compatibilité entre les futures dispositions espagnoles et le droit européen. Comme l’indique le compte rendu du conseil des ministres, il s’agit de la continuité d’un autre texte adopté en 2020 et jugé conforme — si on peut dire — par la Commission. Par ailleurs, le futur texte est une sorte de transposition du règlement européen sur la liberté des médias, datant de 2023 et en vigueur depuis le 7 mai 2024. Il est donc assez probable que la Commission soit au courant que l’Espagne va adapter sa propre législation, pour se conformer à un texte émis par la Commission. 

Au Congrès des députés — équivalent de notre Assemblée nationale — le PPE (Parti Populaire espagnol) et VOX sont vent debout contre le texte et on retrouve une partie des éléments de langage utilisés par le RN dans sa question écrite

Méconnaissance des règles françaises par les eurodéputés RN

Le groupe s’inquiète également du registre des médias. En substance, il est question de créer un registre, afin de savoir qui finance quoi, à hauteur de combien. Le texte prévoit aussi de travailler sur la définition d’un média. Les députés européens du RN indiquent que le texte est susceptible de porter atteinte à la liberté.

Oubliant que la définition d’un média existe aussi vaguement en droit français et que s’il n’y a pas encore de registre des propriétaires de média en tant que tel, la CPPAP publie chaque trimestre une liste des publications reconnues comme média. 

Ce n’est pas la première fois que le groupe Patriotes pour l’Europe s’intéresse de près au Gouvernement espagnol depuis le début de cette législature et cette fois-ci, il semble que le groupe n’a pas réellement planché sur la question des médias. 

Quant à la France, l’idée de la publication d’un registre de la presse ne parait pas vraiment faire son chemin. Un grand projet de loi sur les médias aurait dû arriver en janvier 2025, mais c’était avant la dissolution. 

Un calendrier inconnu pour la mise en place du registre en France

Les parlementaires ont fait quelques tentatives de législation, mais il n’y a pas de grande révolution pour le moment. Comme le démontre le retard pris avec la transposition de la directive NIS2, le Gouvernement Barnier 1 a du retard sur la transposition des règles communautaires. Dans le cas du règlement européen sur la liberté des médias, il n’y a pas besoin de transposition, car il est directement applicable dans l’ordre juridique des États membres. Pour autant, il va falloir procéder à des créations administratives et ajustements juridiques. 

Le calendrier du règlement est assez précis : les États ont jusqu’en 2027 pour l’appliquer pleinement. Sur le fond, Rachida Dati va être confrontée à un problème de taille : le texte prévoit que les médias publics soient suffisants, stables et prévisibles. Or, ces dernières années, la part accordée aux médias du service public n’a cessé d’être chahutée par les différentes coupes budgétaires. Le règlement impose également un contrôle autonome de leur indépendance politique. Mais, le plus gros dossier est sans doute le contrôle de la concentration et la publication des personnes physiques, propriétaires directs ou indirects, bénéficiaires effectifs, des médias. 

Sur le site du Ministère de la Culture, un calendrier indicatif est disponible, mais rien ne porte sur la création de ce fameux registre de la transparence. 

Les sénateurs ont adopté la proposition de loi visant à renforcer l’indépendance des médias et à mieux protéger les journalistes, mais elle ne vise que les médias audiovisuels. Le texte n’est pas encore à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Violette Spillbout a totalement oublié le registre dans son texte. Or le règlement vise bien l’ensemble des médias, y compris la presse écrite.  

On rassure les eurodéputés RN : oui, le projet de loi sur la presse en Espagne est bien compatible avec les textes de la commission. C’est plutôt en France qu’il va falloir s’en inquiéter.