Les députés dépensent moins d’argent
En cette journée mouvementée, en raison du rassemblement des collaborateurs parlementaires, dans lequel Frontières s’est invité, c’est en toute discrétion que le rapport du déontologue de l’Assemblée nationale pour l’année 2024 a été mis en ligne.
Le déontologue de l’Assemblée nationale : la boussole des députés et des collaborateurs
Les députés et leurs collaborateurs doivent respecter la déontologie, qui figure dans le règlement de l’Assemblée nationale. Pour cela, ils peuvent demander l’assistance d’un déontologue.
Son rôle est de conseiller les députés, en particulier sur l’utilisation et la gestion de leur avance de frais de mandat (AFM), mais aussi sur les voyages et les cadeaux, le dialogue avec les représentants et les rapports avec les collaborateurs parlementaires.
Il est changé à chaque législature et sans surprise, la dissolution de l’été 2024 a provoqué un surcroît de travail et des difficultés de recrutement. Chaque année, le déontologue remet un rapport dans lequel il fait un bilan de son activité sur l’année écoulée. Le rapport pour 2024 porte donc sur la fin de la XVIe législature et le début de la XVIIe.
Des députés moins dépensiers avec l’argent public
Une certaine presse aime fustiger les dépenses, soi-disant, somptueuses des députés. En réalité, l’AFM se rapproche — dans le privé — de ce qu’on appelle les frais professionnels et certaines règles sont d’ailleurs purement et simplement calquées.
Les règles sont assez simples : peuvent être prises par l’AFM les dépenses ayant un lien avec l’exercice du mandat. Cela concerne le loyer de la permanence parlementaire en circonscription, les frais d’installation, l’éventuelle location d’une voiture, le recours à un prestataire, etc.
Pour l’année 2024, le déontologue fait un constat « Au 25 mars 2025, 468 des 577 députés, soit plus de 80 % d’entre eux, avaient opéré un reversement au titre de leur solde AFM pour un montant total supérieur à 5,6 millions d’euros ». Derrière cette phrase, la réalité est simple : 80 % des députés n’ont pas utilisé la totalité de leurs frais de mandat, donc on fait des économies.
Deux députés utilisant leurs AFM pour des sites de rencontres.
Les noms des députés concernés ne sont pas indiqués dans le rapport, mais, la principale intéressée ayant confirmé l’information face caméra, le rapport s’attarde sur le cas de Christine Engrand, qui a notamment utilisé son AFM pour faire garder ses chiens, mais, aussi pour payer son abonnement à un site de rencontres.
Elle n’est apparemment pas la seule : un autre député, dont le nom n’est pas révélé, s’est, lui aussi, servi de son avance de frais de mandat pour payer un abonnement à un site de rencontres.
En ces temps de fuite de données quotidiennes d’applications Web, il est assez mal avisé d’utiliser la carte bancaire de son activité professionnelle pour un usage très personnel.
Ce qui pousse le déontologue à faire des recommandations
Le déontologue plaide pour des sanctions
Le système actuel prévoit le remboursement par le député lorsque les dépenses n’ont manifestement aucun lien avec l’exercice du mandat.
Pour le déontologue, les sanctions ne sont pas suffisantes et pour y remédier, il propose d’amender le règlement de l’Assemblée nationale afin que les députés soient sanctionnés plus sévèrement qu’ils ne le sont aujourd’hui. En effet, à part un « name & shame » dans la presse, qui n’est pas systématique, les députés ne risquent pas grand-chose.
Ainsi, un député qui brandirait une pancarte durant les Questions au Gouvernement risque une sanction plus sévère qu’un député qui a volontairement utilisé à mauvais escient son avance de frais de mandat. Sébastien Delogu a été exclu de l’Assemblée nationale pour avoir brandi un drapeau et financièrement sanctionné. Christine Engrand a simplement été exclue de son groupe, mais n’a pas été privée de ses indemnités parlementaires.
Le déontologue propose donc d’introduire dans le règlement intérieur, un article indiquant « Les députés s’obligent à respecter la dignité requise par le mandat parlementaire dont ils sont investis par leur élection. Ils doivent ainsi assurer l’honorabilité et la respectabilité de leur fonction par un comportement adéquat en toutes circonstances ».
Des pratiques déontologiques qui s’installent
Sur la question des conflits d’intérêts, le déontologue note que les députés ont pris le réflexe de le solliciter avant de faire quoi que ce soit.
Les précédents semblent avoir laissé des traces chez les élus et plutôt que de retrouver leurs noms épinglés dans la presse, il semblerait qu’ils préfèrent prendre les devants avant de se présenter à un poste de rapporteur ou de présider une commission d’enquête.
On relève également que les députés ont pris le pli de remplir le registre des déports, disponible sur le site de l’Assemblée nationale, pratique qui était encore minoritaire sous la XVe. Sous la XVIe, les députés l’ont fait plus fréquemment. Pour la XVIIe, l’absence notable de textes rend le dispositif quelque peu inutile.
Si le déontologue note une amélioration générale, il y a un domaine dans lequel, il reste du chemin à parcourir.
La logistique comptable et financière : le boulet des députés
Les députés doivent fournir des justificatifs, y compris pour les retraits d’argent en distributeur. Dans l’immense majorité des cas, les députés s’acquittent de cette charge administrative — qui revient bien souvent à leurs collaborateurs.
Mais, le rapport souligne que beaucoup d’erreurs — de bonne foi — sont faites, notamment dans les lignes dans lesquelles sont indiquées les dépenses. Dit autrement, la dépense est bien mentionnée, le justificatif est fourni, le lien avec l’exercice du mandat est évident, mais, ce n’est pas la bonne catégorie de dépenses.
Il propose donc de simplifier le système, d’autant que si la charge administrative a été augmentée avec l’actuel système, l’enveloppe dédiée aux collaborateurs parlementaires ne l’a pas été de façon à prendre en compte cette activité.
Le devenir de la cellule anti-harcèlement en question
En 2020, une cellule anti-harcèlement a été mise en place à l’Assemblée nationale. L’idée générale est d’aider les victimes de harcèlement, dans leur démarche.
La cellule est gérée par un prestataire extérieur et le marché arrive à échéance en 2025. Il faudra en lancer un nouveau et ses compétences seront étendues, afin de prendre en compte les personnels de l’Assemblée nationale ainsi que les stagiaires.
Le rapport conclut à la stabilité de l’organe de déontologie de l’Assemblée nationale, tout en déplorant que la durée du mandat soit corrélée à la durée de la législature. L’expérience de la dissolution a montré que cela générait surtout une augmentation significative de travail.