Les élus sont-ils trop payés ?
Patrick Martin, le nouveau « patron » du MEDEF, dans une interview accordée au groupe Ebra, a mis les pieds dans le plat, en disant que leur « salaire » (sic) n’était pas suffisant par rapport « leur charge de travail, de leur exposition médiatique et des risques réputationnels et judiciaires qu’ils encourent ». Est-ce vrai ? On décrypte le vrai du faux.
Faux : les élus n’ont pas de salaire
Si le terme de salaire est communément admis pour parler de la rémunération des élus, il est faux. Ce sont des indemnités et cela fait toute la différence. Un salaire suppose un lien de subordination entre un salarié et un employeur. Les élus ne sont pas des salariés de leurs administrés. Ils ne reçoivent pas d’ordre de ces derniers.
Vrai : certains types d’élus ne sont pas assez indemnisés voire ne le sont pas du tout
On ne le sait pas toujours, mais l’article L2123-17 du Code général des collectivités territoriales pose un principe : la gratuité de la fonction de maire, d’adjoint et de conseiller municipal. Néanmoins, ces derniers peuvent bénéficier d’une indemnité de fonction. Elle concerne les personnes qui ont des fonctions exécutives et varie en fonction de la population de la structure, de 1026,51 € brut à 2918,51 € brut pour les responsables exécutifs. Les adjoints et les conseillers municipaux ont un autre barème. Sur cette indemnité, il y a des prélèvements qui sont opérés : cotisations sociales, contributions sociales, cotisations retraite et impôt sur le revenu. Dans beaucoup de communes, la rémunération des élus est symbolique, notamment dans les villages.
La sénatrice Frédérique Puissat dans une question écrite au Gouvernement du 1ᵉʳ décembre 2022 — qui reste sans réponse à ce jour — avait soulevé le cas et rappelle que les indemnités des élus locaux sont prises sur les budgets locaux. Dans un vieux rapport de l’Assemblée nationale, datant de 2013, des députés Philippe Doucet et Philippe Gosselin, on mentionne que « 72 % des élus municipaux exercent ainsi leur mandat sans percevoir aucune indemnité de fonction ».
Faux : les parlementaires français sont dans la moyenne européenne
En 2019, nous avions procédé à une comparaison partielle des indemnités des parlementaires de l’Union européenne. À l’époque, avec 7239,91 € brut, les députés français étaient dans la moyenne des rémunérations. Les sénateurs n’avaient pas été pris en compte puisque tous les États membres de l’Union européenne n’ont pas de Sénat.
Le hors sujet de Patrick Martin
Personne ne contestera la charge de travail des élus, qu’ils soient locaux ou parlementaires, mais Patrick Martin se trompe de cible. On l’a constaté sur les deux dernières élections législatives. Beaucoup de députés ne souhaitaient pas rempiler pour un nouveau mandat, non pas en raison des indemnités, mais des conditions de travail.
En effet, par rapport à nos homologues allemands ou américains, les parlementaires ont une enveloppe pour rémunérer les collaborateurs qui est ridicule. Elle se monte approximativement à 10 000 € brut par mois pour l’ensemble des collaborateurs, que le député en ait un ou qu’il en ait sept. Certains députés disposent d’une extension d’enveloppe, mais ce n’est pas le cas des 577 élus.
Par ailleurs et le sujet revient fréquemment sur la table, l’organisation de l’Assemblée nationale est d’une stupidité confondante, avec des députés qui siègent en séance publique à 3 h du matin.
Enfin, ce n’est pas tant la question de la rémunération qui entre en jeu pendant le mandat que le devenir après le mandat de député. Nous en avions parlé en 2021 : beaucoup d’anciens députés se retrouvent professionnellement sur le carreau. D’après nos informations, certains députés de la XVe législature se sont retrouvés allocataires de minimas sociaux, car exclus des dispositifs mis en place par l’Assemblée nationale. En un mot comme en cent, pour de nombreux députés, notamment les députés femmes, qui étaient précédemment salariées, le mandat de député est une impasse professionnelle.
Si le sujet n’est dénué d’intérêt, il paraît malvenu, voire maladroit dans un contexte d’inflation et d’augmentations successives pour les Français.