Les parkings gratuits de la niche RN : la loi du jour, la com’ toujours
De l’extérieur, on conçoit péniblement la difficulté qu’il peut y avoir à relater une journée de niche parlementaire, tant cela est devenu assez pitoyable.
Chaque groupe parlementaire dispose de ce que l’on appelle une journée d’initiative parlementaire, curieusement surnommée la niche parlementaire. Il s’agit d’une journée en séance publique, sanctuarisée, pour que chaque groupe d’opposition ou minoritaire puisse présenter ses textes. Elle a lieu une fois par an.
C’est le Rassemblement National (RN) qui inaugurait les niches ce jeudi 30 octobre 2025. À l’ordre du jour, une résolution visant à dénoncer les accords Franco-Algériens, votée grâce à l’appui des Républicains et de certains membres du groupe Horizons, une proposition visant à restaurer le délit de séjour irrégulier, qui a été retirée, une proposition sur l’étiquetage des aliments, qui a été rejetée et une proposition sur la gratuité des parkings des hôpitaux publics.
Celle-ci avait une saveur très particulière. Car, La France Insoumise avait, elle aussi, déposé un texte sur ce même sujet. Mais, celle du Rassemblement National a été déposée plus tôt. Plutôt que de relater aux lecteurs les pathétiques séances de la journée, on a préféré analyser le fond de la proposition du Rassemblement National sur la gratuité des hôpitaux.
Le texte propose — en théorie — quelque chose de simple : la gratuité des parkings des hôpitaux, avec prise en charge des coûts par l’État, grâce au gage sur le tabac.
En creusant, on se rend compte que le texte du RN comporte beaucoup d’angles morts.
L’alinéa 2 de l’article premier indique « Tout établissement public de santé dispose d’un parc de stationnement gratuit destiné aux patients, à leurs visiteurs et au personnel de l’établissement ». Le texte ne vise que les établissements publics et exclut, de facto, les établissements privés à but non lucratif participant à une mission de service public hospitalier, alors que les deux types d’établissements remplissent les mêmes missions. C’est le cas de l’hôpital Marie-Lannelongue au Plessis-Robinson.
Autre problème et non des moindres « tout établissement public de santé dispose d’un parc de stationnement » : que fait-on des hôpitaux qui sont en cœur de ville ? C’est le cas de l’hôpital Lariboisière, dans le nord de Paris. Il dispose d’un parking, mais, géré par un organisme privé et payant. Toute personne connaissant ce quartier sait qu’il n’est pas possible de faire un parking public gratuit dans ce secteur, sauf à raser la moitié du quartier.
La notion de parc de stationnement n’est pas non plus réellement définie ni encadrée. Est-ce que ce parc peut être mutualisé, par exemple avec des commerces ou des universités ou d’autres établissements publics ?
La quantité n’est pas non plus indiquée. Le parc doit pouvoir accueillir les patients, les visiteurs et le personnel de l’établissement. Qu’en est-il des bénévoles ou des associations ? En effet, notamment dans les pavillons pédiatriques, il existe des associations, qui viennent divertir les enfants atteints de pathologies graves, comme les Lutins du Phœnix. Ils ne sont pas des visiteurs à proprement parler ni des patients et n’ont pas de liens hiérarchiques avec l’établissement. De la même manière, comment définir le nombre de places nécessaires ou même minimales ? A minima, le texte aurait pu renvoyer à un décret, ce qu’il ne fait pas.
Autre grande absente et c’est assez amusant pour un texte parlant de l’hôpital : l’accessibilité. Il n’est nulle part fait mention des places réservées aux personnes à mobilité réduite. Les recharges pour véhicules électriques ou les contraintes environnementales ne sont pas non plus mentionnées.
Ces points sont du domaine réglementaire, mais, là encore, le texte ne renvoie pas vers un décret.
Il ne répond pas non plus à un autre gros problème qui a poussé certains hôpitaux à rendre payant les parkings : les abus ou les voitures ventouses, de même que la sécurité des parkings.
Le deuxième alinéa de l’article premier laisse un grand flou sur la compensation : comment calculer la compensation ? Comment la coordonner ? Comment l’inscrire dans l’ONDAM ?
Le troisième alinéa vient enterrer le sérieux de l’idée, qui était déjà bien écorné. Il interdit purement et simplement la délégation de service public, sans pour autant étendre aux autres formes de gestion et oublie de régler le cas des délégations de service public existantes. Si la loi avait été adoptée, les hôpitaux auraient-ils dû résilier les contrats en cours, au risque de payer des pénalités ? Enfin, notons qu’un parking, même public, nécessite du personnel, ne serait-ce que pour s’assurer qu’il n’y a pas d’abus. Là encore, ce point n’est pas budgété.
Le texte proposé par La France Insoumise n’est pas forcément mieux rédigé, mais, il aura le temps d’être retravaillé, notamment en commission s’il est présenté en séance publique.
Avec sa niche, le Rassemblement National entendait parler des problèmes du quotidien des Français. Mais, cette proposition de loi, qui n’est pas allée à son terme, nécessitait beaucoup trop d’amendements pour être juridiquement pertinente.
C’est tout le problème des niches depuis au moins deux législatures : elles sont devenues des instruments de communication qui ont perdu toute pertinence législative.
