Les trous de mémoire d’Éric Ciotti et Caroline Magne
Le Canard Enchaîné, dans son édition du 16 novembre 2022, faisait état d’un cumul d’activités professionnelles de l’ex-conjointe d’Éric Ciotti, questeur de l’Assemblée nationale et prétendant à la présidence du parti Les Républicains.
Parmi les activités, on note le poste de collaboratrice parlementaire. Comme les lecteurs du Projet Arcadie le savent, ce n’est qu’à partir de la loi sur la transparence dans la vie publique que les noms des collaborateurs parlementaires ont été rendus publics.
Ces noms figuraient sur les déclarations d’intérêts, remises à la Haute Autorité pour la Transparence dans la Vie Publique. Le formulaire était à remplir sur papier – la procédure de déclaration n’était pas numérisée – et chaque collaborateur devait indiquer s’il avait d’autres activités professionnelles en dehors de celle de collaborateur parlementaire.
À cette époque, les cumuls d’emploi étaient tout à fait courants, pour deux raisons. En premier, les salaires des assistants parlementaires étaient souvent ridicules – ils le sont encore au regard de la charge de travail – et les députés pouvaient cumuler leur fonction parlementaire avec une fonction exécutive locale : maire, président de région, de département, etc. Il était fréquent qu’un collaborateur parlementaire en circonscription occupe également un poste au sein de l’organe exécutif local. À tel point que selon les archives du Projet Arcadie, il était rare qu’un député ne compte pas dans son équipe au moins un collaborateur parlementaire qui occupait un autre emploi, soit chez un autre député, soit dans une collectivité locale.
Les députés ne faisaient pas preuve de diligence concernant l’actualisation de leurs déclarations d’intérêts avant la XVe législature. Rares étaient ceux qui mettaient à jour – comme la loi qu’ils avaient votée le mentionnait – leurs déclarations d’intérêts dès qu’un changement survenait. Dans le cas d’Éric Ciotti, en tant que député, une seule déclaration d’intérêts a été déposée à la HATVP pour la XIVe législature.
Les affaires Fillon ont mis un coup de pied dans la fourmilière et après avoir freiné des quatre fers autant que possible, le président de l’Assemblée nationale Claude Bartolone s’est résigné à publier les noms des collaborateurs parlementaires de députés. En février 2017, Mme Magne-Ciotti n’apparaît plus.
Cela correspond à la chronologie du Canard Enchaîné, qui indique que Caroline Magne-Ciotti aurait quitté son poste de collaboratrice parlementaire le 30 septembre 2016. Ce changement n’a jamais été notifié à la HATVP, ni dans la section conjoint ni dans la section collaborateurs.
Mais, il y a un autre poste que Mme Magne-Ciotti aurait occupé et qui serait passé sous les radars : celui d’enseignante-vacataire pour l’Éducation nationale. En octobre 2015, le Projet Arcadie sort de terre et pour se conformer aux demandes de la CNIL, envoie à tous les députés et sénateurs, leurs fiches personnelles, par email. Le message indiquait que s’il y avait une erreur, les parlementaires pouvaient la notifier à des fins de correction. Éric Ciotti n’en a signalé aucune.
En octobre 2015, la profession du conjoint indiquait : directeur de cabinet adjoint du maire de Nice et collaborateur parlementaire. Dans la section collaborateurs, on retrouve Caroline Magne-Ciotti, avec l’indication « enseignante vacataire ». D’autres archives, notamment manuscrites du Projet Arcadie et numérisées indiquent « Enseignante vacataire – Éducation nationale ».
Reste à savoir quel enseignement était dispensé par Caroline Magne-Ciotti et dans quel établissement.
Autre curiosité, qui vient de la presse people. Télé-Loisirs publie le 4 décembre 2021, un article sur Caroline Magne. L’article parle au présent et indique qu’elle travaille à la mairie de Mandelieu-la-Napoule. Or, les déclarations d’Éric Ciotti indiquent « néant » dans la case conjoint pour la XVe législature.
Pourtant, Closer, toujours en décembre 2021, indique « Cette première victoire, le député va pouvoir la savourer auprès de son épouse, Caroline Magne. ». La première déclaration de juillet 2017 indique « 3s Entertainment » (Fimalac depuis) dans la section employeur du conjoint. La déclaration de janvier 2019 et d’octobre 2020 indiquent « néant ».
Si Éric Ciotti n’était plus en couple avec Caroline Magne en janvier 2019, pourquoi la presse people en parle au présent en décembre 2021 ?
Il y a donc un problème sur la sincérité des déclarations d’intérêts effectuées auprès de la HATVP, puisque les déclarations publiques ne correspondent pas aux déclarations.
Concernant les déclarations HATVP, si les députés de la XVe législature ont été plus diligents dans leurs mises à jour, l’analyse qui avait été faite, montrait qu’il restait encore du chemin. Nous verrons au début de l’année 2023, si les députés de la XVIe législature auront enfin pris au sérieux la législation concernant leurs déclarations d’intérêts.
L’autre éléphant dans la pièce est de savoir si Éric Ciotti peut rester questeur de l’Assemblée nationale. Pour mémoire, les questeurs à l’Assemblée nationale ont pour fonction de gérer l’institution sur le plan financier et humain : comptes, budgets, emplois publics, collaborateurs parlementaires, gestions des locaux, etc. En théorie, ces derniers sont élus pour un an et remettent en jeu leur poste (article 10 alinéa 1 du règlement de l’Assemblée nationale). Dans les faits, ils peuvent parfaitement quitter leur poste en cours de route. Mais, on ne peut pas le forcer à partir.
Nous verrons ce que feront son groupe parlementaire et son parti politique.