
Roland Lescure : le vice-président qui détend les séances
Si la Présidente de l’Assemblée nationale dirige les séances de Questions au Gouvernement (QAG) ainsi que certaines séances publiques, son agenda ne lui permet pas de présider l’ensemble des débats.
Elle est donc secondée par six vice-présidents élus par leurs pairs : Clémence Guetté, Naïma Moutchou, Nadège Abomangoli, Xavier Breton, Jérémie Iordanoff et Roland Lescure.
Présider les débats avec style
Arrivé à l’Assemblée nationale en 2017, il a été président de la commission des affaires économiques, ministre, puis vice-président depuis 2024.
Chaque vice-président développe un style qui lui est propre. Ainsi, Marc Le Fur, vice-président pendant plusieurs législatures, avait hérité du surnom de « vice-président TGV », en référence à sa manière rapide de mener les séances.
Roland Lescure, lui, joue une autre partition : celle de l’humour. Et il faut bien reconnaître que cela devrait presque figurer sur la fiche de poste, tant l’ambiance générale s’est dégradée.
Roland Lescure, première victime de Roland Lescure
La première cible de son humour, c’est lui-même. Lors de sa première présidence, la majorité des articles examinés ont été rejetés par les députés, ce qui lui fera dire : « peut-être cet article sera-t-il le premier adopté sous ma présidence ? » ou encore « il faut voter cet article pour éviter que je ne rentre bredouille ce soir ».
Est-ce la force des arguments ministériels qui a convaincu les députés, ou ont-ils voulu être agréables au vice-président ? L’article 3 sera le seul adopté lors de l’examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2025, au cours de la deuxième séance du 28 octobre 2024.
Il n’hésite pas non plus à puiser dans son propre passé : « Les ministres passent mais ne disparaissent pas tous : il y a au moins trois anciens ministres dans la salle, sans compter Mme Firmin-Le Bodo, qui est là par la pensée. Monsieur le ministre, vous verrez qu’il y a un avenir après le gouvernement ! »
Les ministres, dans le viseur
Son humour cible aussi les ministres, comme Manuel Valls, qui en a fait les frais. Lors de la deuxième séance du 20 janvier 2025, le ministre des Outre-mer prend la parole : « je vais essayer de couper les cheveux en trois », ce à quoi Roland Lescure répond : « évitez ce genre de remarques avec la présidence ce soir, s’il vous plaît », déclenchant les rires des députés, y compris de Manuel Valls lui-même.
Les anciens ministres, même les plus éminents, ne sont pas épargnés par ses taquineries bon enfant.
Lors de l’examen de la proposition de loi visant à interdire les dispositifs uniques de vapotage, il introduira la séance ainsi : « qu’il soit unique ou non, je rappelle que leur usage est proscrit dans l’enceinte de l’Assemblée nationale ! » Tout le monde aura compris qu’il visait Élisabeth Borne, accro à sa cigarette électronique, y compris dans l’hémicycle.
Humour et autorité : la bonne combinaison
Il ne faudrait pas confondre humour et absence d’autorité : il n’en manque pas, comme l’a montré la séance du 6 février 2025, jour de la niche parlementaire de la Droite Républicaine. Les débats, très agités, ont été marqués par de nombreuses manœuvres d’obstruction de la part de la gauche de l’hémicycle.
Ce qui fera dire au vice-président : « À la fin de cette séance, le règlement de l’Assemblée nationale n’aura plus de secret pour moi. » Et quand sa présidence est mise en cause, il sait répondre : « D’une part, je trouve, moi, que les débats sont très bien tenus », déclenchant les applaudissements des députés.
L’humour, la clef pour apaiser les débats ?
À la lecture des vingt-sept comptes rendus de séances publiques qu’il a présidées, une hypothèse émerge : et si la clef de séances plus sereines, en période de majorité très relative, résidait dans l’humour – y compris sur des sujets sensibles ?
Faute de preuve irréfutable, la séance du 11 avril 2025 semble fournir un indice. Les députés planchaient sur le projet de loi de simplification de la vie économique – un texte devenu presque incompréhensible. Par un alignement inattendu des planètes idéologiques, Sophia Chikirou (LFI) et Anne-Laure Blin (DR) défendaient des amendements proches. Ce qui fera dire à Roland Lescure : « Entre-temps, Mme Blin, qui regagne la partie droite de l’hémicycle, a pris sa carte de La France insoumise et le groupe DR a perdu un membre. »
Avec lui, députés et ministres sont logés à la même enseigne lorsqu’ils dérapent. Lors de la deuxième séance du 10 mars 2025, il n’a pas hésité à asséner : « après l’heure, ce n’est plus l’heure monsieur le ministre ! » ou encore « Monsieur le ministre, vous ajoutez de l’eau au moulin alors qu’il n’en a vraiment pas besoin. On va tous se calmer, vous y compris. Je vous demande, monsieur le ministre, de répondre à la question qui vous a été posée », lors de la séance du 11 avril 2025.
Si, sous la XVIe législature, on suivait les séances présidées par Hélène Laporte avec la même fascination que face à une catastrophe annoncée, sous la XVIIe législature, on regarde celles de Roland Lescure pour la bulle de malice dont il fait preuve en toutes circonstances.