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Au Sénat, la proposition de loi contre la fast-fashion perd de sa substance, suscitant l’inquiétude des associations.
Actualités

La loi sur la fast-fashion vidée de sa substance au Sénat

Un an après son adoption à l’Assemblée nationale, la proposition de loi visant à réguler la fast-fashion est arrivée au Sénat, où elle a subi un sérieux coup de frein.

Un texte ambitieux à l’origine

Durant la XVIe législature, la députée Anne-Cécile Violland déposait et faisait adopter une proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. La déferlante commerciale de Shein, enseigne emblématique de la mode jetable, avait clairement motivé ce texte.

Il aura fallu un an pour que la proposition arrive au Sénat, dissolution oblige. Mercredi 19 mars 2025, les sénateurs membres de la commission du développement durable l’ont enfin examinée. Mauvaise surprise : une partie du texte a été méthodiquement détricotée.

La publicité pour la fast-fashion sauvée par les sénateurs

L’article 3 prévoyait l’interdiction pure et simple de la publicité en faveur de la mode éphémère. Les sénateurs l’ont supprimé, arguant d’un risque d’inconstitutionnalité et d’inconventionnalité. Désormais, seuls les influenceurs auront l’interdiction de promouvoir la fast-fashion et devront, par ailleurs, délivrer une information synthétique sur l’impact environnemental des biens et services dont ils font la promotion.

Shein et Temu ont pourtant développé une stratégie marketing particulièrement agressive. Ces enseignes s’appuient massivement sur les micro-influenceurs et nano-influenceurs pour faire leur publicité sur les réseaux sociaux, à grand renfort de chèques-cadeaux et de rémunérations très attractives.

L’ombre du lobbying plane sur le Sénat

Faut-il y voir l’effet d’un lobbying efficace, piloté par Christophe Castaner ? Recruté par Shein, l’ancien ministre dirige aujourd’hui les comités stratégiques chargés de mettre en œuvre la démarche de responsabilité sociétale et environnementale de l’enseigne.

Ce recrutement n’est pas passé inaperçu. La Fédération française du prêt-à-porter s’était dite « profondément indignée » par l’arrivée de Christophe Castaner, de Nicole Guedj et de Bernard Spitz – ce dernier étant l’ancien président de la Fédération française de l’assurance – au sein de cette mission stratégique pour Shein.

Des associations déçues par un texte édulcoré

Adoptée sans encombre à l’Assemblée nationale, la proposition de loi avait été votée à l’unanimité en séance publique. Mais au Sénat, la tonalité a changé. Le compte rendu officiel de la séance en commission n’est pas encore disponible. Toutefois, les premières réactions des associations laissent transparaître un profond mécontentement.

Pour la coalition Stop Fast Fashion, l’ambition portée par ce texte a considérablement reculé. Cette coalition rassemble quatorze associations œuvrant à la défense de l’environnement ou des droits humains. Elles dénoncent notamment l’exclusion du texte des acteurs européens de la fast-fashion.

Une définition améliorée, mais des mesures vidées de leur portée

Véronique Louwagie, ministre du Commerce, a défendu la nouvelle version issue de la commission sénatoriale, estimant qu’elle proposait une meilleure définition de la fast-fashion. En réalité, la version modifiée se contente d’encourager la réparation des vêtements et d’imposer l’apposition de messages informatifs.

Finalement, il ne reste pas grand-chose d’un texte qui, sans être révolutionnaire, avait le mérite de constituer un premier pas. La dynamique est pourtant en marche au niveau européen : l’Union européenne entend cibler la fast-fashion dans sa lutte contre le gaspillage.

Par ailleurs, la fast-fashion reste un produit de l’esclavage moderne. L’Union européenne a d’ailleurs adopté un texte visant à interdire l’importation de produits issus du travail forcé sur le sol européen.

Des enjeux économiques majeurs pour la France

Aucune date n’est encore arrêtée pour la suite de l’examen du texte. On ne peut que s’étonner de la bienveillance affichée par la ministre du Commerce envers l’industrie de la fast-fashion. Au-delà des enjeux environnementaux ou des droits humains, l’impact économique est considérable. Selon l’ONG Les Amis de la Terre, la fast-fashion détruirait à elle seule 300 000 emplois en France.

Malgré cela, Shein continue de séduire les Français. En novembre 2024, 22 % des colis transitant par La Poste provenaient de commandes Shein ou Temu. Un sondage IFOP réalisé pour Shein révèle par ailleurs que 66 % des Français interrogés privilégient le prix au moment d’acheter des vêtements.

Le levier fiscal écarté pour l’instant

Face à ce constat, l’argument financier reste central. Le député Antoine Vermorel-Marques avait déposé une proposition de loi visant à instaurer un malus de cinq euros sur les produits issus de la fast-fashion. Ce texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. Pourtant, rien n’empêcherait de reprendre cette idée lors de la deuxième lecture de la proposition d’Anne-Cécile Violland.

L’idée d’une telle taxation a d’ores et déjà fait bondir Christophe Castaner. En janvier 2025, il s’était insurgé : « On est en train d’inventer une TVA sur les produits des plus pauvres. Moi, je trouve ça assez dégueulasse. »

La proposition de loi doit désormais arriver en séance publique au Sénat en mai 2025. D’ici là, le bras de fer autour de la fast-fashion est loin d’être terminé.