
Emmanuel Macron suggère la reconnaissance faciale pour contrôler l’âge sur les réseaux sociaux
Le président de la République devait initialement être interviewé par France 2 dans le cadre du sommet sur les océans. Mais l’actualité dramatique du mardi 10 juin 2025 a rattrapé Emmanuel Macron. Interrogé sur les réponses possibles face à la montée des violences impliquant des mineurs, le chef de l’État a évoqué l’interdiction de la vente de couteaux aux mineurs – proposition également avancée, au même moment, par le Premier ministre sur TF1 – ainsi que l’instauration d’un contrôle de l’âge sur les réseaux sociaux.
« On doit interdire les réseaux sociaux aux moins de 15 ans […] Je nous donne quelques mois pour arriver à faire la mobilisation européenne. Sinon, on commence à le faire en France. On ne peut pas attendre », a-t-il déclaré.
Dans le viseur de l’exécutif : la responsabilité des réseaux sociaux dans l’essor des violences juvéniles. Emmanuel Macron a ainsi suggéré que les plateformes imposent un dispositif de reconnaissance faciale pour valider l’inscription des utilisateurs, en espérant entraîner d’autres pays européens dans cette démarche.
Traitement biométrique et cadre juridique européen
La reconnaissance faciale repose sur l’analyse de données biométriques uniques, comme les traits du visage. Ces données sont considérées comme sensibles par le Règlement général sur la protection des données (RGPD). Leur traitement suppose un consentement explicite de l’utilisateur, mais ce seul consentement ne suffit pas. Le traitement doit aussi être nécessaire, proportionné et ne pas avoir d’alternative moins intrusive. Il ne peut en outre être exigé comme condition d’accès à un service.
Même dans l’hypothèse dans laquelle le RGPD ne suffirait pas à encadrer une telle pratique, le règlement européen sur l’intelligence artificielle, adopté en 2024, apporterait un cadre plus contraignant encore. La reconnaissance faciale, parce qu’elle repose sur des algorithmes de traitement d’image, entre dans la définition d’un système d’intelligence artificielle au sens du texte.
L’article 5 du règlement interdit l’identification biométrique à distance en temps réel dans les espaces accessibles au public. Reste à savoir si pour les juridictions européennes, les réseaux sociaux sont des lieux accessibles au public. Dans certains cas, oui, puisqu’il n’est pas nécessaire de s’identifier pour consulter des contenus.
Les données biométriques hors du champ du commerce
Toujours selon ce règlement, les données biométriques ne doivent pas être utilisées à des fins commerciales. Or, les réseaux sociaux sont par nature des espaces lucratifs.
En droit français, une difficulté supplémentaire surgit. Il n’est pas possible de vendre ses organes ou son sang, et cette interdiction s’étend, par principe, aux données biométriques.
L’article 16-1 du Code civil pose le principe de l’inaliénabilité du corps humain et interdit toute patrimonialisation de ses éléments, y compris numériques. Ces données sont donc juridiquement hors commerce.
Failles techniques et limites scientifiques
À ces obstacles juridiques s’ajoutent des risques de sécurité. Les fuites de données sont devenues courantes. Une fuite de données biométriques serait particulièrement grave, car ces données, à la différence d’un mot de passe, ne peuvent être changées. Les utilisateurs de Free dont les IBAN sont désormais quasiment en open-data sont bien au courant du problème.
Par ailleurs, l’accès aux réseaux sociaux ne suppose pas toujours une inscription. Il est possible, notamment via certains outils, de consulter du contenu publié sur X sans créer de compte, rendant illusoire un contrôle universel de l’âge par reconnaissance faciale.
Les limites scientifiques de la reconnaissance faciale sont également bien documentées. Des études ont montré que l’âge estimé peut varier en fonction de postures, d’un sourire, du port de lunettes ou encore de la couleur de peau. Ces biais compromettent la fiabilité du système.
En parallèle, l’intelligence artificielle progresse dans la génération d’images réalistes. Des technologies comme Flux LoRA permettent déjà de créer des visages et même des identités numériques complètes, capables de se faire passer pour de véritables influenceurs sur des plateformes comme OnlyFans. Ces outils, bien que techniques, sont accessibles au grand public.
Une réponse politique précipitée de la part d’Emmanuel Macron
Le drame survenu à Nogent a profondément ému l’opinion. Le président de la République a lancé « Je ne veux pas céder aux manipulations qui ont eu lieu ces dernières heures », appelant à « une forme de discipline collective » et en s’attaquant « aux causes profondes » et qu’il était « mobilisé pour apporter une réponse en profondeur ».
Manifestement, il n’a pas suivi ses propres conseils.