Magali Berdah essaie de se racheter une respectabilité en jouant les journalistes politiques.
Actualités

Pour un député, les valeurs de l’Assemblée nationale sont incompatibles avec celles de Magali Berdah

La mode des influenceurs touche tous les milieux, y compris le milieu politique. L’exemple est venu d’en haut avec « l’interview » du président de la République par McFly et Carlito. Dès lors, la frontière entre journalisme et influence a été abolie, certains élus préférant largement répondre à des influenceurs qui jouent les journalistes, qu’à des professionnels de l’information.

Mais, tous les influenceurs n’ont pas la même réputation. C’est par la parution d’un article dans Paris-Match qu’on découvre que Magali Berdah, l’influenceuse qui connaît mieux les palais de justice que les avocats eux-mêmes, s’était trouvé un nouveau terrain de jeu : l’Assemblée nationale.

Son émission s’intitule « 24 h avec » et entend suivre un politique sur une journée. En réalité, c’est plutôt 8 h-19 h et sur les presque 50 minutes d’émission, on en passe plus de la moitié dans un taxi. Objectif : expliquer la politique à un public qui est en rupture avec cet univers. Intention louable s’il en est et ce n’est pas Arcadie qui dirait le contraire, dans la mesure où cela a toujours été le credo de la rédaction.

Que vaut cette première émission, mettant en scène Prisca Thévenot ? La consternation était au rendez-vous, tant la médiocrité était abyssale. Magali Berdah ne connaît strictement rien du Parlement, de l’Assemblée nationale et des missions des députés, au point qu’elle laisse Prisca Thévenot se tromper dans les définitions.

Indice qui ne trompe pas : n’importe quelle personne qui a déjà assisté à une séance publique, en physique ou par écran interposé, a pu constater que l’hémicycle était fréquemment clairsemé. Les connaisseurs savent parfaitement pourquoi, mais il est dommage de ne pas avoir posé la question, afin que Prisca Thévenot puisse expliquer l’agenda d’un député. Aucune question ne portait sur la fabrication de la loi. Le contrôle de l’action du Gouvernement a été résumé au cirque des Questions Au Gouvernement. Même la question des moyens mis à disposition des députés — les fameux frais de mandat — a été oubliée.

En un mot comme en cent, le travail « réel » du député n’est absolument pas abordé. Prisca Thévenot elle-même se trompe en définissant les trois missions du député, ce qui tend à montrer qu’une formation continue est plus que jamais nécessaire au Palais Bourbon.

On rappelle donc que pour se présenter à une élection, il faut avoir 18 ans, être inscrit sur les listes électorales et jouir de ses droits civiques.

Le summum a été atteint dans une session de questions réponses où Magali Berdah lisait des questions soumises par les internautes, copiant ainsi le style de certains steamers. Il n’y avait aucune question, ce n’était que des accusations ou des propos diffamatoires.

Au bout de 50 minutes, le constat s’impose de lui-même : tout cela n’est qu’une médiocre opération de communication, menée par une influenceuse à la réputation problématique.

Le plus dérangeant est l’accès de Magali Berdah à l’Assemblée nationale. Tout un chacun peut visiter l’Assemblée nationale et on peut parfaitement être invité par un député. Mais, il faut savoir que les journalistes, même ceux qui sont accrédités permanents, n’ont pas le droit d’aller dans certaines zones.

Apparemment, quand on s’appelle Magali Berdah, on peut se promener sans difficulté dans les bâtiments, y compris ceux qui sont interdits aux journalistes. À l’inverse, l’un des collaborateurs d’Ersilia Soudais, Ritchy Thibault est toujours interdit d’accès au Palais Bourbon, alors qu’il n’a fait l’objet d’aucune condamnation.

On a demandé aux députés ce qu’ils pensaient du fait que Magali Berdah ait accès à l’Assemblée nationale en tant que « journaliste » et s’ils étaient à l’aise avec l’idée de s’afficher aux côtés d’une personne condamnée pour abus de faiblesse ?

Sous couvert d’anonymat, l’un d’entre eux a répondu : « Je n’étais pas au courant, mais il faut dire que le monde de “l’influence” ne m’intéresse pas du tout. Je n’ai pas l’intention de creuser ni de me mettre à ces modes, qui vont disparaitre aussi vite qu’apparues. On n’a pas besoin de ça à l’Assemblée. Je ne lui parlerai pas, et oui, privilégions l’accès des journalistes ».

Un autre parlementaire, qui a, lui aussi, demandé l’anonymat, abonde dans le même sens : « L’image de l’Assemblée nationale a déjà été sévèrement écornée les dernières semaines et derniers mois. Il n’y a pas besoin d’une polémique supplémentaire. Les valeurs que l’institution représente me semblent incompatibles avec celles de Mme Berdah ».

Stéphane Vojetta, fidèle à lui-même, répond sans ambages « En ce qui me concerne, je ne connais pas suffisamment le passé judiciaire de cette personne pour la juger sur cette base. En revanche, je suis particulièrement choqué par le fait qu’une influenceuse qui contrevient de manière explicite et répétitive aux règles pourtant connues de la loi influenceurs, et notamment celle interdisant aux influenceurs de publier des promotions ayant trait à des procédures, produits ou praticiens de chirurgie esthétique (même si cet/te influenceur est basé dans un pays tiers hors UE), puisse utiliser l’Assemblée nationale comme fond visuel pour ses contenus sur les réseaux sociaux.

Je crains que cet affichage au cœur de nos institutions et aux côtés de collègues législateurs ait pour conséquence de “valider” un comportement d’ensemble inacceptable, et qui devrait faire l’objet de procédures administratives voire même de poursuites judiciaires ».

Quant à Gabriel Attal et Brigitte Klinkert, on sait déjà qu’ils sont bienveillants à l’égard de Magali Berdah, dans la mesure où ils apparaissent dans la vidéo et répondent à ses questions.

Toujours selon Paris-Match, Sandrine Rousseau et Julien Odoul seraient les prochains députés à être « interviewés » par Magali Berdah. Ni l’un ni l’autre n’ont pris la peine de répondre.

Il n’est pas dit que la dernière trouvaille de Magali Berdah, pour se racheter une respectabilité, soit un succès. En 24 h, la vidéo n’a généré que 2 500 vues approximativement, ce qui est peu, aussi bien au regard de son nombre d’abonnés, mais aussi en comparaison des autres vidéos.

Enfin, relevons un manque d’élégance flagrant chez Magali Berdah. Alors qu’elle était entourée d’au moins deux cameramans, ils ne sont ni crédités ni remerciés, la vidéo n’ayant aucun générique de fin. Ils n’apparaissent pas non plus dans la description YouTube.


Boîte noire

Si vous voulez en savoir plus sur le rôle d’un député, le fonctionnement de l’Assemblée nationale ou le rythme de travail, vous pouvez regarder les différentes vidéos du Projet Arcadie.

Si vous préférez l’écrit, vous pouvez consulter le livrable « activité réelle des députés » gratuitement.