Jean-Philippe Tanguy vient de lancer un ultimatum au Gouvernement. Copyright - AFP / Thomas Samson
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Motion de censure : le RN joue la montre

Les vacances parlementaires sont terminées et les députés ont repris le chemin du Palais Bourbon ce lundi 29 avril 2024. Au menu, un débat d’orientation des finances publiques et c’est durant ce débat que Jean-Philippe Tanguy a lâché une petite bombe.

Si dans trente jours, le Gouvernement n’a pas proposé un projet de loi de finances rectificative, le groupe du Rassemblement National déposera une motion de censure.  

Un projet de loi de finances règle le budget de l’État pour l’année à venir et arrive début octobre à l’Assemblée nationale. Mais, il est habituel qu’un projet de loi de finances rectificative soit déposé à la fin du printemps pour procéder à des ajustements. 

Sauf que cette année 2024 a une « saveur » particulière. En premier lieu, les élections européennes auront lieu en juin et tous les sondages montrent que la majorité présidentielle est à la peine. En second lieu, les Jeux olympiques débarquent à Paris. Or, qui dit projet de loi de finances dit session extraordinaire pour boucler tous les textes. Au moins trois sont sur le feu : le projet de loi sur la fin de vie, le projet de loi agricole et le projet de loi de simplification de la vie économique. La session ordinaire s’achève le 30 juin. Tout le monde s’interroge sur la façon dont les deux chambres parlementaires vont pouvoir fonctionner durant les Jeux olympiques, les deux palais étant situés dans les zones rouges, celles où la circulation va être très limitée

Personne ne l’admet ouvertement, mais tout le monde redoute la désorganisation. Car, à l’Assemblée nationale et au Sénat, il n’y a pas que les parlementaires. Il y a les collaborateurs, les fonctionnaires, les journalistes, les prestataires extérieurs, etc. Du côté du Palais Bourbon, il y a approximativement 3 000 personnes qui circulent en permanence.

Avant les vacances parlementaires, la question avait été posée à plusieurs députés de la majorité : projet de loi de finances rectificative ou non ? Ils disaient ne pas en voir l’utilité, la plupart des aspects pouvant être réglés par décret. 

S’ils ont raison sur la technique, sur le plan politique, cela devient plus compliqué, car le Gouvernement donne l’impression de refuser tout débat et toute discussion et s’il peut dégainer un article 49 alinéa 3 en séance publique, il ne peut pas le faire en commission. 

C’est tranquille comme Baptiste que Jean-Philippe Tanguy a pu asséner sa menace, d’autant qu’elle était précédée d’une autre vérité quelque peu inconfortable, non pas envers le Gouvernement, mais envers les Républicains.

En effet, si personne ne tombe à la renverse en voyant les Républicains bouder les motions de censure de la gauche, les neuf voix manquantes à la motion de censure du groupe LIOT sont encore dans tous les esprits. Bruno Retailleau a beau jeu de déclarer que son groupe déposera une motion de censure à l’Assemblée nationale, lui est au Sénat et ne risque pas son siège. Les députés LR sont plus frileux à aller à la motion de censure, car ils connaissent la sanction possible : la dissolution. En cas de dissolution, il est probable qu’une partie d’entre eux perdront leur mandat. 

Le RN a cornérisé LR : s’ils votent la motion de censure, le RN pourra s’en servir comme appel du pied aux électeurs LR, en appuyant sur le fait qu’ils ont le courage d’aller au bout de leurs déclarations. S’ils ne la votent pas, le RN pourra dire que LR fait partie de la majorité présidentielle. Dans les deux cas, ils sont perdants. 

Enfin, avec sa menace, Jean-Philippe Tanguy reprend à son compte — ou pour le compte des députés RN — un des « arguments » de campagne de Jordan Bardella. Ce dernier dit que si son parti arrive en tête des élections européennes, il y aura dissolution de l’Assemblée nationale.

Bien sûr, les deux scrutins n’ont aucun lien et même si le parti arrive en tête, rien n’oblige le président de la République à dissoudre l’Assemblée nationale. Pourtant, l’argument fait mouche chez les électeurs qui veulent utiliser le scrutin européen comme vote sanction. 

Le Gouvernement pourra-t-il indéfiniment écarter un vrai débat budgétaire, au risque de froisser non seulement les électeurs, mais aussi les députés de sa propre majorité ? Réponse dans trente jours.