Payer pour utiliser son CPF : voté depuis 2022, jamais appliqué
Bruno Le Maire a annoncé hier soir, dimanche 18 février 2024, que l’État allait devoir faire de sérieuses économies. Parmi celles-ci, le très populaire compte personnel de formation (CPF).
Il s’agit d’un dispositif, permettant à tous les actifs de se former tout au long de leur carrière. Depuis le 1ᵉʳ janvier 2024, il est aussi possible d’utiliser son compte personnel de formation pour financer son permis de conduire. En effet, ce dernier s’avère être un sésame indispensable dans de nombreux secteurs, y compris en Île-de-France, tant les transports en commun sont défaillants.
Mais, le CPF a été victime de son succès : beaucoup d’escrocs se sont engouffrés dans la brèche pour vendre de fausses formations. En cause : des autorités de contrôle totalement absentes, ce qui a permis à des vendeurs très peu scrupuleux de s’enrichir.
Comme le souligne notre consœur Florence Mehrez, pour y remédier, le Gouvernement avait trouvé une astuce dans la loi de finances pour 2023, votée définitivement en 2022 : faire payer les salariés pour utiliser leur CPF. Il s’agissait de l’amendement II-3266 du Gouvernement, inséré après l’article 47. Il a été adopté en commission. Utilisation de l’article 49 alinéa 3 oblige, il n’a pas été discuté en séance publique à l’Assemblée nationale. Quant au Sénat, cela est passé comme une lettre à la poste.
Dans la version définitive du projet de loi de finances pour 2023, cela s’est matérialisé par l’article 212, puis inséré dans le Code du travail à l’article L6323-7.
Il énonce « La participation mentionnée au I de l’article L. 6323-4 peut être proportionnelle au coût de la formation, dans la limite d’un plafond, ou fixée à une somme forfaitaire. La participation n’est due ni par les demandeurs d’emploi ni par les titulaires de compte lorsque la formation fait l’objet d’un abondement prévu au 2° du II du même article L. 6323-4. Les modalités de mise en œuvre du présent article, notamment les conditions dans lesquelles la participation peut être prise en charge par un tiers, sont fixées par décret en Conseil d’État ».
Sauf que le décret n’est jamais paru. Selon l’échéancier, sa publication était envisagée en juin 2023.
Toute la question est de savoir de combien sera la participation des salariés pour utiliser une enveloppe à laquelle ils cotisent. Nos confrères de Capital avancent le chiffre de 10 % du coût de la formation, mais cela reste à confirmer par le décret, s’il voit le jour.
On s’interroge sur la pertinence de la mesure et surtout sur son calendrier. Alors que les tensions sociales sont ravivées par la grogne des agriculteurs et que l’inflation continue de grignoter le pouvoir d’achat des Français, le Gouvernement n’a pas choisi le bon moment pour priver les Français d’un droit pour lequel ils cotisent.
Il est d’ailleurs probable que ce reste à charge pour les actifs soit un frein à l’utilisation du CPF, ce qui conduira à sa suppression. C’est une situation très paradoxale pour un gouvernement qui claironne que la formation est l’alpha et l’oméga du marché du travail français.
Enfin, concernant la loi de finances pour 2023, il reste 13 décrets en souffrance.