Des perquisitions sont en cours au siège du Rassemblement national.
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Perquisitions pour des prêts suspects au Rassemblement national

C’est Jordan Bardella lui-même qui l’a annoncé sur les réseaux sociaux : des perquisitions sont en cours au siège du Rassemblement national, débutée ce matin à 8 h 50.

Tous les emails, les documents et les éléments de comptabilité ont été saisis. Cela fait suite à une information judiciaire qui a été ouverte, suite à un signalement de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Un contrôle de surface par la CNCCFP

Cette institution contrôle les comptes de campagne de l’ensemble des candidats aux élections. Mais, elle ne peut faire qu’un contrôle de conformité : la dépense A doit correspondre à la facture A, le tout devant être inscrit dans la bonne colonne. Elle ne peut pas juger de la pertinence de la dépense ni enquêter sur l’origine des fonds.

C’est bien ce point qui lui pose un problème. Lors de la publication de son rapport d’activité la semaine dernière, l’institution avait formulé 22 recommandations.

Dans la section « renforcer les moyens de contrôle et de sanction », elle avait demandé à être autorisée à consulter le fichier national des comptes bancaires et assimilés et à accéder à la comptabilité des partis politiques durant l’instruction des comptes de campagne. Dans la partie « rendre les financements politiques plus transparents », elle avait appelé de ses vœux à limiter le montant des prêts de personnes physiques aux candidats et aux partis politiques. D’elle-même, la CNCCFP ne peut pas aller plus loin, d’où son appel à changer la législation pour la doter de plus de pouvoirs de contrôle.

En effet, si les dons sont plafonnés, il n’en est pas exactement de même des prêts auprès des particuliers, au risque de créer une dépendance ou même de masquer un don.

Les prêts aux partis politiques qui peuvent cacher des dons

Quel est le montant que peuvent prêter des particuliers à un parti politique ? D’après les fiches de la CNCCFP pour les élections législatives, sénatoriales, départementales, municipales et territoriales « En ce qui concerne les emprunts auprès de personnes physiques contractés à un taux inférieur ou égal au taux de l’intérêt légal en vigueur à la signature du contrat, leur durée ne peut excéder 18 mois et le montant total de ces emprunts ne peut excéder 47,5 % du plafond des dépenses ». Il faut donc se reporter au montant maximum des dépenses autorisées.

C’est le nombre de prêts souscrits par le Rassemblement national qui ont éveillé les soupçons de la commission : il est celui qui en a le plus utilisé ces dernières années, selon le président de la commission, Christian Charpy.

613 en 2021 sur un total de 764 tous partis confondus, puis 425 en 2022 (sur un total de 492) et encore 96 en 2023 (sur un total de 123) ont été enregistrés par la commission. Fin 2023, le montant total à rembourser était de plus de 20 millions.

« Acharnement »

Sur les réseaux sociaux, les députés du Rassemblement national ont fait part de leur colère et dénonce un acharnement. Jean-Philippe Tanguy tweete «Un an après avoir volé les élections par ses magouilles et ses mensonges, le Système sombre dans les basses œuvres. Les institutions sont dévoyées par des bandes qui veulent garder le pouvoir à tout prix !»

Sébastien Chenu y voit aussi une manœuvre contre le parti « Le système contre @MLP_officiel @J_Bardella c’est en réalité le système contre les Français. Incapable désormais de nous empêcher d’arriver au pouvoir le système sombre dans les manœuvres sordides de harcèlement judiciaire-spectacle».

Jordan Bardella, président du parti s’étonne de ces perquisitions, qu’il a lui-même annoncé «Les perquisitions, menées dans des conditions hors norme, visent de prétendus “prêteurs habituels”. Une incrimination floue, sans définition claire, déjà instruite par la Commission des comptes de campagne. Soupçonner d’“exercice illégal de la profession de banquier” nos militants — souvent âgés, honnêtes, engagés — qui prêtent au RN faute de banque prête à le faire, c’est une farce.

Ce déploiement de force n’a qu’un but : offrir un spectacle aux chaînes d’info, fouiller les correspondances privées du premier parti d’opposition, saisir tous nos documents internes. Rien à voir avec la justice, tout à voir avec la politique». Marine Le Pen n’a pas fait de déclarations publiques pour le moment, mais a retweeté le message de Jordan Bardella.

Des antécédents de perquisitions chez LFI, Renaissance, LR

En dépit de la première déclaration de Jordan Bardella, cette perquisition n’est pas inédite.

On se souvient que le siège de La France Insoumise a fait l’objet d’une perquisition amplement relayée dans les médias, en 2018. La réaction très virulente de Jean-Luc Mélenchon avait porté un coup au parti. L’enquête est toujours en cours.

Renaissance a aussi fait l’objet d’une perquisition en 2022, ainsi que le cabinet de conseil McKinsey. L’enquête est toujours en cours.

Les Républicains ont aussi fait connaissance avec les perquisitions en 2016, dans le cadre d’une enquête sur les législatives de 2012. On ignore ce qu’il est advenu de cette enquête.

Deux enquêtes avant les municipales

Pour un parti politique ni pour qui que ce soit, il n’existe pas de « bon » moment pour une perquisition et l’ouverture d’une enquête.

Dans le cas du Rassemblement national, cela intervient alors que le parti est en ordre de bataille, non seulement pour les élections municipales de l’année prochaine, mais aussi, dans l’hypothèse d’une dissolution. Lundi matin, dans une interview accordée à nos confrères du Figaro, Jean-Philippe Tanguy indiquait que sa formation était tout à fait favorable à une dissolution de l’Assemblée nationale. Marine Le Pen, au micro de RTL le 3 juillet 2025, avait estimé qu’une dissolution qui interviendrait maintenant serait dans « l’intérêt des Français », quand bien même, elle ne pourrait pas se présenter.

Les perquisitions et l’enquête qui vient d’être ouverte sur les prêts consentis au Rassemblement national sont sans lien avec une autre enquête, déclenchée hier par le parquet européen.

Cette dernière concerne des irrégularités financières du groupe parlementaire au Parlement européen, auquel appartenant le Rassemblement national durant la IXe législature et s’étend aux autres partis politiques qui étaient dans ce même groupe.