Adopté en première lecture plus d’un mois après le passage des cyclones Chido et Dikeledi, le projet de loi d’urgence pour Mayotte suscite la polémique. Entre retards inexpliqués, improvisation gouvernementale et conditions de vie déplorables sur l’île, ce texte censé marquer un tournant laisse un goût d’amertume aux Mahorais.
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Mayotte en détresse : un simulacre d’urgence voté avec retard

Adopté en première lecture plus d’un mois après le passage des cyclones Chido et Dikeledi, le projet de loi d’urgence pour Mayotte suscite la polémique. Entre retards inexpliqués, improvisation gouvernementale et conditions de vie déplorables sur l’île, ce texte censé marquer un tournant laisse un goût d’amertume aux Mahorais.

Pourquoi un tel délai pour un texte d’urgence ? La censure, puis la procrastination d’Emmanuel Macron à nommer un remplaçant à Michel Barnier, n’ont pas aidé à améliorer la situation des Mahorais. Lors de sa prise de fonction, François Bayrou a préféré se rendre à Pau plutôt qu’à Mayotte, et c’est le 23 décembre 2024 que le Gouvernement a été dévoilé. À cela se sont ajoutées les vacances de fin d’année. Alors que le premier Conseil des ministres s’est tenu le 3 janvier 2025, il a fallu attendre le 8 janvier 2025 pour que le texte soit présenté en Conseil des ministres.

Après Chido et Dikeledi, l’eau n’est toujours pas rétablie sur l’île pour toute la population. Il en va de même pour l’électricité, et la rentrée scolaire a été repoussée. Les soignants envoyés en renfort sur l’île logent dans des tentes sans climatisation, alors que les températures dépassent toujours les 30°C.

Le Gouvernement peut bien parler de texte d’urgence : la réalité montre qu’il s’agit d’un simulacre, au vu du temps pris. Le texte lui-même comporte surtout des dérogations aux marchés publics, des aides d’urgence et des dispositions relatives à la construction. Le « vrai » texte de refondation pour Mayotte arrivera plus tard. Quand ? En théorie, sous trois mois, sous réserve que le Gouvernement ne soit pas censuré d’ici là. La question de l’immigration sera amplement abordée lors de la niche des Républicains, le 6 février 2025.

Le projet de loi d’urgence pour Mayotte devait signer le grand retour de Manuel Valls sous les projecteurs, en tant que ministre des Outre-mer. Mais il a été éclipsé par Estelle Youssouffa, rapporteure du texte et députée LIOT de Mayotte. Ceux qui ont suivi l’examen du texte ont pu constater qu’à plusieurs reprises, les députés ont préféré suivre l’avis de la rapporteure sur les amendements, plutôt que celui du ministre.

Si l’on n’a pas pu éviter quelques effets de manche de part et d’autre de l’hémicycle, les députés ont été relativement calmes. À part quelques rappels au règlement lors de la séance du soir du 21 janvier 2025, l’ambiance a été assez disciplinée, et cela n’est pas à mettre sur le compte d’une défection des députés. En réalité, personne n’a envie de passer pour l’empêcheur de voter en rond sur ce dossier, et tout le monde se réserve pour le texte sur la refondation de Mayotte. Dès lors, une part importante des amendements adoptés l’ont été à la quasi-unanimité.

Restent deux points fondamentaux : le cadastre et le recensement. Le Gouvernement souhaitait accélérer le processus d’expropriation des terrains, mais comment faire quand on ne connaît pas les propriétaires ? Aussi surprenant que cela puisse paraître, ce n’est pas un cas isolé à Mayotte. Beaucoup de propriétés ne sont pas répertoriées dans le cadastre.

Quant au recensement, il est indispensable pour dimensionner les besoins de l’île. Or, d’après les deux députés de Mayotte, il n’est pas correctement effectué, et cela se voit avec un détail macabre : on ne sait toujours pas combien de personnes sont décédées lors du passage de Chido. Le plan Mayotte 2025 semble être passé aux oubliettes.

Après un examen sur deux jours en séance publique, les députés ont voté le texte. 446 députés ont voté pour. Le détail du scrutin est disponible ici.

Tous ont appelé de leurs vœux que Mayotte ne soit pas oubliée. Seul le temps nous le dira.

Le texte adopté en première lecture est disponible ici.