Entre allégements ciblés pour les ménages et encadrement du patrimoine, les députés commencent à remodeler la première partie du budget 2026.
Actualités

Projet de loi de finances 2026 : premières retouches du budget

Les députés de la commission des finances ont (enfin) entamé le marathon budgétaire avec l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2026. Voici ce qui a été adopté ou non lors de ce premier jour.

Pouvoir d’achat : des gestes fiscaux prudents

Premier geste en faveur des ménages, le barème de l’impôt sur le revenu sera revalorisé d’un point pour neutraliser l’effet de l’inflation. La première tranche imposable débutera à 11 611 euros. Dans le même esprit, la défiscalisation des pourboires, instaurée en 2022 pour soutenir la restauration et l’hôtellerie, est prolongée jusqu’à fin 2027.

Les députés ont aussi choisi de maintenir certains avantages symboliques. Les journalistes conservent leur abattement fiscal de 7 650 euros, mais il sera désormais plafonné aux revenus inférieurs à 3,5 fois le SMIC, soit environ 75 000 euros annuels. Cela ne représente qu’une toute petite fraction de la profession.

Les élus régionaux, eux, perdent un avantage équivalent, jugé inadapté à la nature de leur fonction.

Sur les pensions alimentaires, la commission des finances a adopté un amendement visant à rééquilibrer un dispositif souvent jugé injuste. À présent, le parent qui reçoit la pension pour un ou plusieurs enfants mineurs pourra en bénéficier sans impôt, dans la limite de 4 000 euros par enfant et d’un plafond global fixé à 12 000 euros par an.

En parallèle, le parent qui verse la pension devra la réintégrer dans ses revenus imposables, mais pourra compenser partiellement cette charge en comptant les enfants concernés dans son quotient familial. Le droit à déduction ne subsistera que pour la fraction de pension dépassant le seuil défiscalisé lorsque l’enfant n’est pas rattaché au foyer du parent payeur. Cette mesure vise à corriger une « double peine » fiscale qui pesait sur de nombreux parents isolés tout en rétablissant une cohérence de traitement entre les deux foyers fiscaux.

Dans le champ plus anecdotique sur le plan budgétaire, mais humainement sensibles des décorations et distinctions, la fiscalisation des traitements attachés à la Légion d’honneur et à la médaille militaire, proposée dans la version initiale du texte, a été supprimée. Les sommes concernées — quelques euros par an — conserveront leur statut honorifique.

Même sort pour les récompenses internationales : les lauréats du prix Nobel continueront à être exonérés d’impôt sur le revenu, au nom du caractère exceptionnel et non patrimonial de la distinction.

La suppression de la niche fiscale pour les familles dont les enfants sont à leurs charges ou poursuivent des études dans le secondaire ou le supérieur a été balayée par les députés. Cette réduction d’impôt, d’un montant de 61 euros pour un collégien, 153 euros pour un lycéen et 183 euros pour un étudiant, concerne plusieurs millions de foyers fiscaux. Le Gouvernement souhaitait la supprimer. Les députés ont refusé cette suppression.

Assurance-vie, retraite et transmission : encourager la circulation du capital

L’un des amendements les plus commentés ouvre la voie à une “transmission vivante” de l’assurance-vie. En 2026, les titulaires de contrats pourront en donner tout ou partie à leurs enfants ou petits-enfants, avec les mêmes abattements que lors d’une succession — jusqu’à 152 500 euros par bénéficiaire — pour les primes versées avant 70 ans et avant octobre 2025. L’objectif : libérer une épargne considérable, estimée à près de 1 900 milliards d’euros, pour soutenir l’investissement et la consommation intergénérationnelle.

Le plan d’épargne retraite (PER) évolue lui aussi : son dénouement deviendra obligatoire à l’âge de la retraite. Les détenteurs ne pourront plus reporter indéfiniment la sortie de leur épargne, afin d’éviter les stratégies de blocage fiscal.

Côté immobilier, la commission a supprimé l’exonération de plus-value dont bénéficiaient les non-résidents lors de la première cession d’un logement en France. Pour les résidents, l’exonération sur la résidence principale ne sera acquise qu’après cinq ans d’occupation. Le dispositif d’exonération des dons familiaux destinés à financer une résidence principale est resserré : il devra être utilisé entre janvier 2026 et juin 2027, une seule fois par donateur, avec obligation d’occupation pendant cinq ans.

Fiscalisation des indemnités journalières : un rejet massif

Fait rare, la quasi-totalité des groupes politiques s’est accordée pour supprimer la fiscalisation des indemnités journalières de Sécurité sociale, initialement prévue par le gouvernement. Cette disposition, jugée injuste pour les salariés malades ou en congé maternité, a été écartée dans un large consensus. Dans le même élan, les députés ont aussi rejeté la suppression de la réduction d’impôt sur les frais de scolarité et l’augmentation de la fiscalité sur les carburants B100 et E85, deux mesures qui auraient alourdi la note des ménages.

Les mesures étaient groupées dans les amendements, même si elles n’avaient pas de lien direct entre elles.

Les grandes fortunes et les hauts revenus dans le viseur, de façon mesurée

Le projet de loi confirme la volonté du gouvernement de maintenir la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus tant que le déficit public n’est pas repassé sous les 3 % du PIB. Cette taxe sera reconduite chaque année, deviendrait ainsi permanente par principe de solidarité budgétaire.

En revanche, les tentatives de plusieurs groupes de réintroduire un impôt sur la fortune — qu’il s’agisse d’une version « globale », « immobilière renforcée » ou d’un impôt sur le patrimoine net — ont été rejetées. Les propositions inspirées de la « taxe Zucman », qui visent à instaurer un impôt minimal mondial sur les milliardaires, n’ont pas davantage trouvé d’écho.

Pour les entreprises : recentrage, stabilité et capital productif

Du côté des entreprises, la commission a validé plusieurs ajustements techniques.
L’article 4, consacré à la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des grandes entreprises, a été adopté presque sans modification. Les députés de la majorité présidentielle ont tenté, sans succès, de la supprimer.
Seule évolution : les entreprises de taille intermédiaire (ETI), touchées par erreur par le dispositif de 2025, seront désormais exclues du champ de la surtaxe. Il s’agit d’une manière de préserver les groupes familiaux et industriels implantés en région, déjà fragilisés par la conjoncture.

Autre symbole : la prolongation, pour un an, de cette contribution exceptionnelle permettra d’accompagner la trajectoire de redressement des comptes publics sans alourdir la fiscalité des acteurs de taille moyenne.

Start-up, actionnariat salarié et participation

Les salariés recevant des actions gratuites pourront dorénavant différer leur imposition lorsqu’ils les apportent à une société d’actionnaires salariés réunissant au moins 25 % du personnel. L’impôt ne sera dû qu’au moment de la revente effective des titres, un mécanisme destiné à encourager la détention collective.

Les BSPCE, ces bons de souscription de parts de créateur d’entreprise plébiscités dans les start-ups, bénéficient d’un régime allégé. L’imposition est reportée jusqu’à la cession effective, dans la limite de dix ans, et le taux applicable passe de 25 % à 15 %. Le dispositif est en outre ouvert à davantage d’entreprises, y compris celles contrôlées par des fonds d’investissement.

Les BSPCE passent d’un seuil de détention de 25 % à 15 %.

Patrimoines financiers et transmission d’entreprises

L’article 3, très débattu, crée une taxe annuelle sur les holdings patrimoniales détenant d’importants portefeuilles financiers sans activité économique réelle.
Pour éviter les effets de bord, la commission des finances a profondément réécrit le texte : exclusion des actifs déjà soumis à l’impôt sur la fortune immobilière ou à l’impôt sur les sociétés, définition stricte des actifs non opérationnels, plafonnement des décotes à 10 %, neutralisation des montages récents avant décès et maintien du régime Dutreil pour les transmissions familiales.
L’objectif : cibler les « sociétés-coffres-forts » sans pénaliser les groupes productifs.

Le Pacte Dutreil lui-même est resserré. L’exonération de 75 % des droits de succession ne s’appliquera plus qu’aux actifs réellement professionnels, et les héritiers devront conserver les titres six ans au lieu de quatre. Le régime d’apport-cession, qui permet de différer l’imposition d’une plus-value lors de la vente d’une société, est durci : obligation de réinvestir 80 % du produit (au lieu de 60 %), délai porté à cinq ans et suppression de la « purge au décès ». Le report d’imposition sera désormais transmis aux héritiers.

Enfin, le dispositif d’ « exit tax », supprimé en 2019, revient sous une forme rénovée. Les plus-values latentes en cas de départ fiscal à l’étranger seront de nouveau surveillées sur une période de quinze ans, avec des aménagements pour les contribuables de l’Espace économique européen.

Un effort réel de concertation sur le budget

Cette première journée s’est passée de façon assez calme. Il ne peut pas y avoir de grand soir fiscal, tant les antagonismes sont marqués dans cette assemblée. Néanmoins, en dehors de quelques éclats de voix sans importance, l’atmosphère a été plutôt studieuse.

Quarante-neuf amendements ont été adoptés sur cette première journée.

Comme à leur habitude, certains députés ont déjà crié victoire sur leurs réseaux sociaux. Il convient de se rappeler qu’il faut que les amendements survivent d’ici au vote final.