Amendement GDR filtré
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Projet de loi COVID : première séance et premiers couacs

L’Assemblée nationale est enfin entrée dans la session extraordinaire et examinait ce soir son premier projet de loi de la législature, à savoir, le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19.  

Des rapports et une date 

Initialement, le texte comportait deux articles. Après son examen en commission, il est passé à quatre articles. Si les deux articles supplémentaires portent sur des éternelles demandes de rapports du Parlement au Gouvernement — ritournelle bien connue des habitués de l’Assemblée nationale — le véritable changement porte sur la date. En effet, dans sa version initiale, le texte devait maintenir les dispositifs SI‑DEP et Contact Covid jusqu’au 31 mars 2023. Après examen en commission, la date a été ramenée au 31 janvier 2023. 

L’examen de ce texte n’a pas échappé aux règles du genre : murmures désapprobateurs pendant l’introduction du ministre de la Santé, de la rapporteure de texte et du président de la commission des lois, suivie d’une motion de rejet préalable déposée par le groupe de La France Insoumise, scrutin public sur la motion de rejet préalable et enfin, les différents orateurs inscrits à la discussion générale se sont succédé à la tribune.  

Les résultats du scrutin public de la motion de rejet préalable donnent un bon aperçu de ce que sera cette XVIe législature : une recherche de compromis permanente et des validations sur le fil du rasoir.

Convergence des non et présage

En effet, sur 368 votants, 174 ont voté pour l’adoption de la motion de rejet préalable et 192 contre. Il a manqué 18 voix pour la motion de rejet préalable soit adoptée, voix qui auraient pu se trouver dans le groupe écologiste. Sur les 23 membres du groupe écologiste, un seul était présent au moment du scrutin. Le groupe GDR manquait également pour moitié. Quant au groupe socialiste, seuls 12 sur 31 étaient dans l’hémicycle. 

La majorité présidentielle aurait toujours pu battre le rappel des troupes pour combler les effectifs. Mais, cela s’est joué à quelques voix. 

Globalement, on peut considérer que cette première « vraie » séance était animée. Le président Sébastien Chenu, qui expérimentait son premier perchoir, a réussi à maintenir un certain ordre, même s’il n’a pas pu faire l’économie de quelques regards sur la droite de l’hémicycle, pour appeler au calme. Visait-il les députés Les Républicains — dont certains membres sont connus pour être de fiers trublions — ou ses camarades de groupe ? Ces derniers ont donné de la voix quand le ministre de la Santé a fermé la porte à toute possibilité de réintégration des soignants non-vaccinés.  

Filtrages et opacité

Alors qu’on s’attendait à commencer (enfin) l’examen des amendements, un rappel au règlement, sur la base de l’article 89 du Règlement de l’Assemblée nationale, est venu changer le programme. Formulé par le président de la commission des finances Éric Coquerel, il s’étonnait de l’irrecevabilité, au titre de l’article 40, de 17 amendements, dont certains portaient sur la réintégration des soignants non-vaccinés. 

A suivi un deuxième rappel, cette fois-ci de la part du président de la commission des lois Sacha Houlié, expliquant que l’irrecevabilité était justifiée.

Toujours selon lui, même si les amendements avaient été recevables au titre de l’article 40 de la Constitution, ils ne l’étaient pas au titre de l’article 45 de la Constitution.

Il s’étonnait, par ailleurs que le président de la commission des finances ait jugé ces amendements comme étant irrecevables, pour ensuite s’en émouvoir publiquement en séance. Enfin, faisant office de juge de paix, le premier questeur Éric Woerth et anciennement président de la commission des finances, a justifié la reprise de la délégation de la présidente de l’Assemblée nationale. Allant dans le même sens que Sacha Houlié, il a déclaré que les amendements, notamment les amendements de réintégration des personnels de santé non-vaccinés étaient irrecevables. 

Difficulté pour les personnes extérieures à l’Assemblée nationale : les amendements jugés irrecevables ne sont pas mis en ligne, ni sur le site de l’Assemblée nationale ni sur Eliasse. Cela repose sur une certaine logique, puisque ces amendements n’ont pas vocation à être publiquement discutés. Mais cela créé un problème supplémentaire : chacune des parties peut porter à la connaissance du public, les éléments qui sont en sa faveur. Ce que ne s’est pas privé de faire Éric Coquerel. 

De l’hémicycle à l’agora

Sur Twitter, il a publié l’un des amendements qui a été jugé irrecevable. À l’exception du terme « virologique », il est identique à l’amendement 704 déposé lors de l’examen en séance publique du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique. Le 704 avait été rejeté, mais sans explication du rapporteur ni du ministre de l’époque. Néanmoins, il avait passé le filtre des articles 40, 41 et 45.  Le filtre des amendements est une pratique courante et bien ancrée au Sénat. Mais, elle est plus neuve à l’Assemblée nationale. Ajoutons que la lumière est davantage mise sur le Palais Bourbon que sur le Palais du Luxembourg. 

Le principal enseignement de ce filtrage d’amendements est l’absence de pédagogie et d’information : en ne documentant pas les raisons du filtrage des amendements, on laisse la porte ouverte à celui dont la voix portera le plus loin. Le changement d’équilibre politique au sein de la Chambre basse apportera peut-être de nouvelles pratiques sur ce sujet. 

Sentant probablement que les esprits risquaient de s’échauffer, le président de séance Sébastien Chenu a préféré lever la séance avant l’examen des amendements. Il commencera réellement demain après la première séance de questions au Gouvernement dont on sait déjà qu’elle sera très agitée.

Bien qu’une centaine d’amendements seulement soit au programme, on ne peut pas s’aventurer à estimer l’heure et le jour de fin de ce premier examen. Sous la XVe législature, il fallait parfois jusqu’à deux bonnes heures avant qu’un seul amendement ne soit adopté ou rejeté.

En théorie, selon la feuille verte, les députés doivent boucler l’examen de ce texte le mardi 12 juillet 2022, afin que les séances de mercredi soient consacrées à un bilan de la présidence française de l’Union européenne, puis du projet de loi de règlement du budget 2021. L’objectif est de permettre aux députés de regagner leurs circonscriptions pour les festivités du 14 juillet.

En pratique, il n’est pas impossible que les députés soient obligés de revenir siéger vendredi, voire samedi pour boucler ces trois textes et laisser la place au projet de loi sur les mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.