Le Conseil constitutionnel laisse un an au Gouvernement pour changer la loi sur la HATVP.
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Coup de tonnerre pour la HATVP : la loi doit être réécrite

Le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution, un volet clef des sanctions automatiques appliquées par la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). Une décision qui impose une réforme législative d’ici janvier 2026, et soulève des questions quant à l’avenir de l’institution.

Un principe constitutionnel simple

Ce vendredi 24 janvier 2025, le Conseil constitutionnel a tranché une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) soulevée autour des prérogatives de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique (HATVP). La décision concerne l’interdiction, pour tout agent issu du secteur public, d’intégrer le privé dans les trois années suivant sa démission, sauf avis favorable de la HATVP.

Le problème ? Cette interdiction, lorsqu’elle s’applique automatiquement en cas d’incompatibilité ou d’absence de demande, est jugée contraire au principe d’individualisation des peines. Ce principe fondamental du droit français exige que chaque sanction prenne en compte les spécificités et les circonstances propres à chaque individu. En conséquence, le Conseil constitutionnel a fixé au 31 janvier 2026 la date butoir pour une refonte de ces dispositions.

Une HATVP sous pression : quelles implications concrètes ?

Dans l’immédiat, la HATVP devra moduler ses décisions au cas par cas, une tâche qui s’annonce complexe. Un grand nombre d’agents publics cherchant à se reconvertir dans le privé est concerné. Cela concerne aussi les ministres et leurs directeurs de cabinet.

Mais, les sanctions relatives à la non-déclaration ou aux déclarations lacunaires de patrimoine ou d’intérêts ne sont pas impactées par cette décision : ces dernières relèvent toujours de la justice, et non de la HATVP directement.

La mission la plus connue de l’autorité reste inchangée : collecter, vérifier et publier les déclarations de patrimoine et d’intérêts des élus. Toutefois, elle doit parfois composer avec des critiques sur un certain laxisme, notamment lorsqu’il s’agit de transmettre des dossiers incomplets ou suspects à la justice. À l’inverse, on lui reproche d’être trop sévère quant au volet sur la reconversion professionnelle.

Trois axes principaux pour une institution clef

La HATVP s’articule autour de trois grandes missions.

La première s’intéresse à la transparence des élus. Elle collecte, vérifie et publie les déclarations de patrimoine et d’intérêts des élus, avec un pouvoir de transmission à la justice en cas de manquement. Tous les parlementaires sont concernés, de même que les eurodéputés français, les membres du Gouvernement et certains exécutifs locaux tels que les présidents de région, de département, de certaines grandes villes ou de grandes intercommunalités.

La deuxième est plus spécifique et concerne l’encadrement des représentants d’intérêts, également appelé lobbys. Elle gère le registre des représentants d’intérêts, y compris étrangers depuis la promulgation de la loi Houlié, et le suivi de leur conformité déontologique.

Enfin, la partie qui pose le plus de difficultés au personnel administratif et politique est la déontologie à l’occasion de reconversion. Quand un fonctionnaire ou un élu ou un membre du Gouvernement quitte la vie publique et souhaite reprendre une activité professionnelle dans le privé, il doit demander son avis à la HATVP. L’autorité vérifie qu’il n’y a pas de risques déontologiques et de prise illégale d’intérêts. Par exemple, cela pourrait être un ancien ministre de la Santé qui souhaiterait travailler dans un laboratoire pharmaceutique. En raison des contacts qu’il a pu établir lors de ses fonctions gouvernementales, cela placerait l’entreprise dans une situation plus avantageuse par rapport à ces concurrents, vis-à-vis de l’administration.

Sur ce point, la HATVP est seule aux manettes. Un recours est possible devant le Conseil d’État mais, c’est bien elle qui décide en premier et sur la base de cette autorité que le Conseil constitutionnel a estimé qu’elle ne respectait l’individualisation des peines.

Un calendrier législatif serré

La HATVP est une administration et en tant qu’administration, elle ne fait qu’appliquer ce que le droit dicte. C’est donc au législateur d’améliorer la loi et il a un an pour le faire. Cela peut paraître beaucoup, mais c’est assez peu. Le Gouvernement va devoir plancher rapidement dessus, prendre l’avis du Conseil d’État, inscrire le texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale et du Sénat, faire voter le texte, éventuellement le transmettre au Conseil constitutionnel et publier la loi au Journal Officiel.

On a vu des textes sortir de terre plus rapidement que cela, mais c’est sans compter sur la créativité des parlementaires. Il n’est pas impossible d’imaginer que certains en profiteraient pour alléger les dispositifs de contrôle pesant sur eux.

Fusion en perspective ou maintien de l’institution ?

À ce jour, aucun député n’a déposé de proposition de loi visant à supprimer la HATVP, mais, Bernard Cazeneuve avait appelé de ses vœux, une fusion entre l’Agence Française Anticorruption et la HATVP.

Un an plus tard, c’est Didier Migaud, alors à la tête de la HATVP qui disait vouloir la même chose. Dans le contexte de chasse aux économies et de réductions des dépenses, un tel scénario serait probable.

Reste à savoir quelle va être la position de Gérald Darmanin, actuel Garde des Sceaux. Lors du vote en première lecture sur la loi qui allait créer la HATVP, il s’était abstenu.


Remerciements à nos confrères d’Entourages pour l’alerte sur le sujet.