Quand les JO donnent un atout maître aux députés
Le mardi, à 15 h, c’est l’heure des Questions au Gouvernement (QAG), moment propice pour laisser traîner ses oreilles et ses yeux en salle des quatre colonnes.
Le moins que l’on puisse dire est qu’il n’y avait pas foule ce mardi 30 avril 2024 et pour cause : non seulement l’agenda est assez famélique, mais, le 1ᵉʳ mai tombe un mercredi. Grande était la tentation pour les députés de rester en circonscription auprès de leurs électeurs.
Néanmoins, il a été possible de discuter avec plusieurs d’entre eux d’un sujet assez sérieux : projet de loi de finances rectificative (PLFR) ou non ?
Depuis le début de la XVe législature, tout le monde est désormais rompu à l’exercice de la motion de censure. Sauf que cette dernière pourrait avoir une saveur particulière si elle aboutit. Est-ce que ce sera le cas ? Rien n’est écrit. Du côté de chez LIOT, on ne paraît pas très enthousiaste à cette hypothèse et pour cause : elle se traduirait par une dissolution de l’Assemblée nationale.
Mais, les Jeux olympiques pourraient donner un argument de poids aux députés qui voudraient renverser — et contrairement à ce que l’on pourrait croire, ils ne sont pas tous dans l’opposition — car qui dit motion de censure « réussie » dit dissolution de l’Assemblée nationale, c’est du moins la menace constante depuis le mois de juillet 2022. Ce qui entraîne de nouvelles élections qui devront se dérouler entre vingt et quarante jours. Donc, pile pendant les Jeux olympiques.
Imagine-t-on meilleur cauchemar logistique que des élections législatives en plein pendant les Jeux olympiques ? Qui serait assez fou pour le faire ? D’autant que si l’abstention était assez forte en 2022, elle risque d’atteindre des sommets en plein pendant les Jeux olympiques : toutes les personnes qui auront les moyens de déserter la capitale et les zones dans lesquelles se dérouleront les jeux, le feront.
Et donc, de la même manière que certains syndicats de salariés ont réussi à obtenir gain de cause sur certains dossiers, les députés pourraient adopter une motion de censure, sans craindre de dissolution à court terme. Car, de la même manière, si le président de la République souhaite dissoudre l’Assemblée nationale, il ne le fera pas en septembre, au risque de perdre sa majorité relative ni en octobre ni en novembre ni en décembre. La raison tient en une expression : projet de loi de finances.
Ironiquement, il n’y a jamais eu de meilleurs moments pour faire adopter une motion de censure que maintenant. Ou dans trente jours.
Les finances publiques : c’était justement l’un des sujets en quatre colonnes aujourd’hui, car, il y a un léger hiatus. Bruno Le Maire a annulé 10 milliards de crédits par décret. Soit. Mais, il ne peut plus bouger la moindre ligne pour le moment et pour cause.
La loi de finances est organisée par la loi organique du 1ᵉʳ août 2001 relatives aux lois de finances. Dans son article 14, troisième alinéa, elle énonce « Le montant cumulé des crédits annulés par décret en vertu du présent article et de l’article 13 ne peut dépasser 1,5 % des crédits ouverts par les lois de finances afférentes à l’année en cours ».
« Bruno Le Maire veut sabrer deux milliards aux collectivités territoriales, mais, s’il le fait maintenant, on ne peut pas faire l’impasse sur le PLFR, on va péter les seuils. On ne peut plus déplacer la moindre virgule budgétaire et si on le fait, la suspension des travaux au 12 juillet, on peut faire une croix dessus » indique une source parlementaire bien informée.
Car, même si on peut accélérer le tempo sur un PLFR, cela demande plusieurs semaines de travail. On le sait : on peut dégainer un article 49 alinéa 3 en séance publique, mais pas en commission des finances ni devant le Sénat.
D’ailleurs, la date du 12 juillet comme date de vacances parlementaires, personne n’y croit vraiment et une autre source rappelle un point « si on lève le camp le 12 juillet, ça veut dire que les députés devront être sur le pont dès les premiers jours de septembre ».
Car, encore une fois, ce sont bien les Jeux olympiques qui posent un problème à tout le monde dans cette maison et qui explique en partie l’absence de grandes réformes, exception faite de la loi sur la fin de vie.
Est-ce dire que les députés n’ont pas de sujets de travail ? Et bien si, surtout en matière fiscale. Car, en les interrogeant sur les niches fiscales, on les sent avides d’un Big Bang en la matière, d’un changement de doctrine et de questionnements. Y compris la majorité. Des groupes de travail plus ou moins formels se sont organisés pour revoir certaines dépenses fiscales, mais, toute la question est de savoir si le Gouvernement sera suffisamment à l’écoute pour accepter de travailler avec les parlementaires, y compris issus de sa propre majorité.