Les députés ont planché sur le budget de la Sécurité sociale. Ils ont rejeté la première partie, laissant entrevoir des discussions houleuses.
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Sécurité sociale : rejet en commission et batailles autour du budget 2025

Alors que la situation budgétaire de la Sécurité sociale se tend, les débats s’intensifient entre gouvernement et opposition.

Du rejet de la première partie du texte en commission au spectre d’une motion de censure, chaque mesure soulève polémiques et enjeux politiques majeurs. Retour sur le dernier épisode de ce feuilleton à rebondissements.

Les mesures abandonnées : retraites, remboursements et autres concessions

Tandis que la séance publique se penchait notamment sur les fraudes, les députés de la commission des affaires sociales examinaient en nouvelle lecture, le projet de financement de la Sécurité sociale pour 2025, celui-là même qui avait fait chuter le Gouvernement Barnier.

Certaines mesures sont passées à la trappe dont la plus emblématique : la non-indexation temporaire des pensions de retraites. Comme il n’y avait pas de texte au 31 décembre 2024, les pensions ont été automatiquement indexées sur l’inflation des douze derniers mois, à savoir 2.2 %. Selon la ministre du Travail, Catherine Vautrin, cela représente 3.6 milliards d’euros. Quand bien même le Gouvernement aurait souhaité reprendre ce point, c’est trop tard.

Par contre, une autre mesure, qui aurait pu être remise dans le texte et qui a disparu est le déremboursement des consultations. En effet, le Gouvernement Barnier prévoyait une diminution de la part remboursée par l’Assurance Maladie sur les consultations médicales et les médicaments.

Objectif : que les complémentaires prennent la suite et économiser 900 millions sur le budget de la Sécurité sociale. Derrière cette mesure, assez nébuleuse, cela revenait pour les assurés, sans mutuelle, à payer un reste à charge. La mesure a disparu et François Bayrou a indiqué qu’elle ne serait pas reprise. Néanmoins, il semblerait que d’autres mesures d’économie puissent apparaître sur le remboursement des médicaments. Lesquels et comment, à ce stade, personne n’en sait rien et il est possible qu’il s’agisse de ce que l’on appelle un ballon d’essai.

En effet, dans la pratique politique, il est assez fréquent que des élus ou des ministres lancent une idée à des médias ou des journalistes, afin que cela fasse les gros titres des journaux. Grâce aux réseaux sociaux et aux différents talk-shows, cela permet de tester en direct l’opinion publique, sans avoir à payer un sondage pour cela.

Une taxation sur les mutuelles

Mais, il y a une autre mesure qui risque de faire débat : la ministre du Travail envisage une taxation supplémentaire sur les complémentaires santé, autrement dit les mutuelles.

Pourquoi ? En punition de la hausse des cotisations pour l’année 2025, jugées trop élevées. L’augmentation est d’environ 6 %.

Sauf qu’en augmentant les taxes sur les mutuelles, rien n’interdit à ces dernières d’augmenter en retour les cotisations de leurs clients, ce qui revient à alourdir la fiscalité des ménages. Cela s’est vu dans un tout autre domaine : les taxes sur l’aérien, qui étaient prévues dans le projet de loi de finances pour 2025. Les compagnies n’ont même pas attendu le vote du texte pour augmenter le prix des billets des avions.

Rallonge pour l’ONDAM

Le projet de loi, tel qu’adopté par le Sénat, prévoyait de maintenir les dépenses de santé – l’objectif national de dépenses de l’Assurance maladie (ONDAM) à 2.6 % pour 2025. Le Premier ministre François Bayrou souhaite le porter à 3.3 %, ce qui se traduit par une rallonge d’un milliard d’euros, sur un budget qui avait été fixé par le Sénat à 264.2 milliards d’euros.

La question des exonérations patronales

Si une taxation sur les ménages est – officiellement – exclue, il n’en va pas de même pour les entreprises.

Michel Barnier voulait réduire les exonérations de cotisations patronales, le Sénat est revenu dessus pour garder des allègements et la gauche veut supprimer les exonérations.

Autant dire que ce point du dossier n’est pas clos.

Pas de travail gratuit : le travail doit payer

Les sénateurs avaient voté une seconde journée de solidarité. Objectif : faire travailler gratuitement les salariés sept heures par an, pour financer le grand âge.

François Bayrou, sur LCI ce lundi 27 janvier 2025, a enterré la mesure. Pour lui « le travail doit payer ».

Elle devait rapporter entre 2.5 milliards et 1.8 milliard. Si lui le voit comme une concession faite à la gauche et à certains membres du bloc central, il se trouve que des députés de droite non plus n’en voulaient pas.

Les taxes comportementales

Le Sénat avait aussi adopté toute une série de taxes comportementales. On désigne ainsi une fiscalité alourdie sur certains produits, afin de les rendre trop cher pour le consommateur et donc, lui faire changer ses habitudes. Ces mesures (taxes sur le soda, le tabac, les jeux et la loterie) pourraient rapporter 300 millions si elles survivent après examen du texte.

Les indemnités journalières plafonnées

Autre point très difficile qui attend le Gouvernement : le plafonnement des indemnités journalières. Actuellement, en cas d’arrêt de travail, l’indemnité, qui correspond à 50 % du salaire journalier, est plafonnée à 1.8 SMIC.

Le Gouvernement souhaite le plafonner à 1.4 SMIC, afin de faire une économie de 400 millions d’euros.

Le premier projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoyait un déficit de 16 milliards d’euros. Les estimations optimistes actuelles le porte à 23 milliards.

Rejet de la première partie en commission

Les députés n’ont pas terminé d’examiner le texte, mais, ce lundi soir, ils ont rejeté tous les articles de la première partie du texte, ce qui a fait tomber cette section.

Preuve supplémentaire s’il en est, il se murmure dans les couloirs du Palais Bourbon qu’une motion de censure serait à l’ordre du jour de la semaine du 3 février 2025, plus précisément le 7 février 2025.

En effet, une nouvelle utilisation de l’article 49 alinéa 3 serait à l’ordre du jour pour faire adopter le texte sur le financement la Sécurité sociale.

L’avenir incertain du Gouvernement

Si François Bayrou claironne qu’il a fait des concessions vers le PS, ces déclarations sur LCI ressemblent plutôt à des appels du pied vers la droite, mais surtout vers l’extrême-droite. Ainsi, il a parlé de « sentiment de submersion » au sujet de l’immigration pour « un certain nombre de villes ou de régions » et s’est dit favorable à une restriction du droit du sol à Mayotte, sujet qui sera à l’ordre du jour de la niche parlementaire des Républicains, le 6 février 2025.

Dès lors, que feront les groupes ? Manuel Bompard prévient qu’un non-vote d’une motion de censure reviendrait à être un « soutien sans participation » au Gouvernement. Traduction : LFI sortirait le PS de la coalition du NFP et n’hésitera pas à présenter des candidats contre les candidats PS.

Le groupe de Laurent Wauquiez ne votera jamais la censure. Vus comme des faiseurs de roi durant toute la XVIe législature, l’expérience a montré que les députés LR ne franchissent jamais le cap. Ils ne le faisaient pas sous la XVIe, ils ne le feront pas plus sous la XVIIe, notamment parce qu’une bonne partie du Gouvernement Bayrou vient des rangs des Républicains. Le groupe d’Éric Ciotti fera comme le RN. Et justement, que fera le RN ? Ils ont obtenu des concessions, en particulier sur l’indexation des retraites. Cela suffira-t-il ?

À ce jour, c’est une inconnue et tout le problème est purement politique. Faire chuter le Gouvernement Bayrou renforce la stature du groupe comme groupe d’opposition. Mais, cela favorise aussi l’instabilité. Or, Marine Le Pen souhaite apparaître comme quelqu’un de responsable, en vue de l’élection de 2027. Et une motion de censure votée uniquement par le NFP n’a aucune chance de passer.

À ce stade, rien n’est joué.