
Les députés rejettent la réforme de l’audiovisuel
Les députés ont voté la motion de rejet préalable sur la loi sur l’audiovisuel, concluant ainsi la session ordinaire du Parlement.
Un texte enlisé dès ses débuts
Ce texte est décidément maudit. Après un passage houleux en commission, marqué par les tensions entre les parlementaires et la ministre de la Culture, il vient d’être rejeté d’emblée en séance publique, sans même entamer l’examen de ses articles.
Déposé au Sénat plus de deux ans plus tôt, le projet visait à réorganiser l’audiovisuel public autour d’une structure centralisée : la société holding France Médias.
Celle-ci aurait regroupé France Télévisions, Radio France et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) au sein d’un pilotage stratégique unifié. Cette proposition a suscité des oppositions franches depuis son origine.
L’indépendance du service public comme ligne de fracture
Ce lundi 30 juin, les députés écologistes ont déposé une motion de rejet préalable.
Leur principal argument : la nécessité de préserver l’indépendance du service public de l’information. Ils refusent que l’ensemble des sociétés audiovisuelles publiques soient regroupées sous l’égide d’une structure unique, dont le pouvoir de coordination, bien que présenté comme technique, aurait pu avoir un impact éditorial.
Cette crainte a été partagée par les autres groupes de gauche, qui se sont joints au vote en faveur de la motion. Le Rassemblement national a, lui aussi, apporté ses voix, contribuant à la constitution d’une majorité de circonstance suffisante pour enterrer le texte dès la phase liminaire du débat.
Une majorité fragmentée et surtout absente
Face à cette motion, le bloc central — composé du groupe présidentiel Ensemble pour la République (EPR), des Démocrates, d’Horizons et de quelques députés de la droite républicaine (DR) — a tenté de faire bloc.
En commission, ces groupes s’étaient déjà opposés à l’idée de supprimer le projet sans débat. Mais, une fois encore, le détail du scrutin met en lumière l’un des maux chroniques de cette législature : l’absentéisme.
Alors que l’enjeu politique de ce texte était identifié de longue date, les bancs de la majorité étaient clairsemés. À peine 22 députés EPR étaient présents dans l’hémicycle, accompagnés de six députés DR, quatre Démocrates, cinq Horizons et aucun représentant du groupe UDR. L’addition est simple : les défenseurs du texte ne disposaient pas de la masse critique nécessaire pour empêcher son rejet.
Cette situation n’est pas nouvelle. Vendredi dernier, à l’occasion de l’examen de la loi sur Mayotte, aucun député EPR ou DR n’avait daigné siéger. L’épisode du jour ne fait que confirmer une désorganisation persistante dans la gestion du calendrier parlementaire de la majorité.
Une proposition de loi sur l’audiovisuel sans ancrage gouvernemental
Il faut dire que le texte, bien que défendu publiquement par la ministre de la Culture, n’avait pas été porté avec vigueur par le Gouvernement.
Il s’agissait d’une proposition de loi sénatoriale, déposée dès avril 2023, puis adoptée rapidement par la chambre haute. Transmis dans la foulée à l’Assemblée nationale, le texte a été oublié dans un placard.
Il est resté plus d’un an sans examen en commission, faute d’inscription à l’ordre du jour. N’ayant pas bénéficié de la procédure accélérée, il dépendait du bon vouloir des groupes parlementaires pour progresser dans l’agenda législatif. Une inertie qui en dit long sur le peu d’intérêt réel que l’exécutif lui portait, malgré les discours de façade.
En mai 2024, après un long sommeil institutionnel, les députés étaient finalement parvenus à adopter un texte en commission. Mais la dissolution de l’Assemblée, quelques semaines plus tard, a remis les compteurs à zéro. Il a fallu attendre avril 2025 pour que la commission des affaires culturelles reprenne le travail, et encore deux mois pour finaliser une nouvelle version du texte. Un effort législatif balayé en moins d’une heure de débat.
Le texte repart au Sénat sans aucun ajout des députés.
Une mobilisation sociale contre la réforme
Sur le terrain, les syndicats et les salariés des entreprises concernées avaient largement manifesté leur hostilité au projet. Radio France, en particulier, avait déclenché une grève illimitée pour protester contre la réforme.
Le rejet de la proposition de loi en séance publique met donc un terme, au moins temporairement, à une réforme qui inquiétait profondément les professionnels du secteur.
Les équipes de France Télévisions, de l’INA et de Radio France peuvent pousser un soupir de soulagement.
Hasard du calendrier : au moment où la motion de rejet préalable était défendue, l’AFP indiquait que Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions avait été placée en garde à vue, en compagnie de Christian Estrosi, de son épouse Laura Tenoudji-Estrosi, dans le cadre d’une enquête sur l’organisation d’événements à Nice.
Une Assemblée désarticulée en cette fin de session ordinaire
Ce rejet sonne aussi comme un échec politique plus large.
En dissolvant l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron affirmait vouloir redonner aux Français le pouvoir de décider. Mais la nouvelle législature peine à fonctionner.
En cette fin de session ordinaire, le symbole est saisissant. Le 30 juin 2025, alors que s’achève la première année de la XVIIe législature, l’Assemblée nationale renvoie un signal de paralysie, confirmant les doutes sur sa capacité à travailler de manière stable.
Depuis l’arrivée de François Bayrou à Matignon, le Gouvernement semble en retrait. L’exécutif, en se tenant à distance des débats parlementaires, donne l’image d’un pouvoir absent, incapable de mobiliser ses propres troupes pour défendre un texte pourtant présenté comme structurant pour l’avenir du service public.
C’est aussi un échec pour Rachida Dati, qui n’arrive pas s’imposer auprès des députés, alors qu’elle a redit son engagement en faveur de ce texte.
En l’état, la proposition de loi repart au Sénat dans sa version d’origine. Mais sans majorité claire à l’Assemblée et sans pilotage politique assumé, peu de voix misent sur un retour effectif du texte dans les mois à venir.