Sécurisation du numérique : quand l’actualité rattrape le ministre
Tandis que l’Assemblée nationale planche sur l’organisation de la justice, le Sénat travail sur le projet de loi sur la sécurisation et la régulation du numérique. Le ministre Jean-Noël Barrot risque fort d’être rattrapé par l’actualité sur deux sujets bien distincts.
Coupure, modération ou rien ?
Suite au décès de Nahel, des émeutes ont éclaté dans toute la France, y compris dans des zones qui ne sont pas connues pour être des poches de violence. Les différentes exactions ont été filmées et diffusées sur les réseaux sociaux, en temps réel. Les images ont ensuite été reprises par les médias. Cela a provoqué la colère du Garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, qui n’a pas hésité à montrer les muscles. Il a rappelé à plusieurs reprises que nul n’était anonyme sur les réseaux sociaux et que tout le monde pourrait être identifié.
Puis, le président de la République, sans doute pour calmer l’assistance des maires hier et lancer un ballon d’essai, a parlé de l’hypothèse d’une coupure des réseaux sociaux, comme nous l’évoquions hier. Depuis, nos confrères de Chez Pol ont pris la température et indiqué qu’il n’en serait probablement pas question. Mais, le porte-parole du Gouvernement, Olivier Véran, en conférence de presse, après le conseil des ministres de ce mercredi 5 juillet 2023, a évoqué l’idée de bloquer temporairement certaines fonctionnalités de réseaux sociaux, notamment la géolocalisation.
Comment ? Personne ne le sait et il est fort probable que les plateformes concernées ne le sachent pas non plus. En matière de numérique, le législateur surestime très souvent ses compétences et ses moyens. À charge pour Jean-Noël Barrot, qui défend le texte sur la régulation, de trouver un moyen d’inclure cette idée dans le texte. Il est peu probable que cela se fasse devant le Sénat. Ce sera aux députés de se débrouiller ou pas avec cette idée.
Il y a un autre chantier qui l’attend du côté de la rue de l’Université* : celui des cagnottes.
Des clics et des chiffres
Stéphane Vojetta et Arthur Delaporte étaient en visite à Bruxelles, pour parler de leur texte sur la régulation de l’influence. Ils ont évoqué le fait que le travail n’était pas terminé et que d’autres chantiers les attendaient notamment celui des cagnottes. Dans leur viseur, les fausses cagnottes solidaires « promues par certains influenceurs, spécifiquement celles de Dylan Thiry et de Poupette Kenza. C’est un sujet sur lequel nous avions déjà été alertés régulièrement ces derniers mois mais [il était] trop tard pour trouver sa place dans la proposition de loi influenceurs. ».
Nous avions abordé le sujet de la fiscalité des cagnottes dans notre dernier article et l’avons donc interrogé sur cet aspect. Le député des Français de l’étranger indique que le sujet est sur la table et sera abordé avec les plateformes concernées. Devant le détail des réponses, on pouvait s’attendre à ce qu’il s’agisse d’un texte à part, qui prendrait vie durant la session 2023-2024. Surprise : ce sera dans le projet de loi sécurisation et régulation du numérique.
Stéphane Vojetta nous a indiqué qu’il allait réunir le groupe de travail de la proposition de loi sur les influenceurs, à savoir Sarah Tanzilli, Ségolène Amiot, Violette Spillebout, Louise Morel, Dominique Potier et évidemment Arthur Delporte. Relevons que la liste n’est pas exhaustive. À ce stade, on attend de voir quand le texte arrivera effectivement à l’Assemblée nationale. Selon le décret de convocation du Parlement en session extraordinaire, il est à l’ordre du jour. Mais, il n’est pas inscrit dans celui de l’Assemblée nationale. Va-t-il rester en souffrance jusqu’au mois de septembre, voire jusqu’à la reprise de la session ordinaire ?
Enfin, il manque toujours un texte dans les dépôts : le projet de loi pour le plein emploi. Indiqué dans le décret de convocation, personne ne semble l’avoir eu. Il paraît probable qu’il sera au menu de la rentrée de la session extraordinaire, aux alentours du mois de septembre.
*La rue de l’Université à Paris est la rue où se trouve l’Assemblée nationale.