
SHEIN s’offre Magali Berdah pour contester la législation sur la fast-fashion
Après une incursion dans le journalisme politique, Magali Berdah entame une nouvelle phase de reconversion : elle s’associe désormais à SHEIN, géant chinois de la fast-fashion, dans le cadre d’une opération de communication contestée.
Les multiples vies de Magali Berdah
Figure emblématique du monde des influenceurs, Magali Berdah s’est fait connaître grâce à son agence Shauna Events et à ses nombreuses apparitions médiatiques. Ces dernières années, elle a été confrontée à des difficultés judiciaires, notamment une condamnation pour abus de faiblesse envers un ancien préfet atteint de la maladie d’Alzheimer, ainsi qu’à des problèmes de gestion au sein de son entreprise.
Elle a également été soutenue par plusieurs élus après avoir été la cible d’une campagne de harcèlement menée par le rappeur Booba, dont certains auteurs ont été condamnés.
Après une période de retrait médiatique, elle est revenue sur les réseaux sociaux avec une émission intitulée « 24 h avec », dans laquelle elle suit des personnalités publiques pendant une journée.
Des micro-trottoirs très orientés
Le 11 mai 2025, elle publie cinq vidéos sur Instagram et YouTube, présentées comme des micro-trottoirs donnant la parole aux Français. Ces séquences, dans lesquelles elle aborde le pouvoir d’achat et les questions de taille de vêtements, reprennent plusieurs arguments régulièrement avancés par SHEIN.
L’un des rares aspects positifs souvent mis en avant par la marque — et par les personnes interrogées — est l’inclusivité de ses tailles, avec des vêtements allant au-delà du 44 (taille française). Toutefois, cette opération de communication ne mentionne aucunement les controverses liées au modèle économique de la fast-fashion.
Le modèle de SHEIN très critiqué
De nombreux parlementaires, notamment à droite, critiquent la fast-fashion pour son impact économique. Selon Antoine Vermorel-Marques, SHEIN contribue à affaiblir la filière textile française sans créer d’emplois sur le territoire.
Les enseignes de vêtements ferment les unes après les autres, et même le marché de la seconde main est impacté.
L’impact environnemental de la fast-fashion est également désastreux. En France, 600 000 tonnes de textiles sont jetées chaque année. À cela s’ajoute l’utilisation de produits chimiques nocifs pour la santé, et un flux constant de colis venus de l’autre bout du monde, aggravant le bilan carbone.
Par ailleurs, l’entreprise est soupçonnée de recourir au travail forcé, notamment en lien avec la situation des Ouïghours en Chine.
Réactions mitigées sur les réseaux
Cette collaboration a suscité de nombreuses réactions critiques en ligne. Plusieurs internautes dénoncent un soutien apporté à une entreprise déjà controversée, et remettent en question la responsabilité des influenceurs dans la promotion de ce type de modèle économique.
Si Magali Berdah a bien indiqué qu’il s’agissait d’un partenariat commercial sur ses publications Instagram, aucun détail n’a été fourni concernant le montant de cette prestation. Mais, cette information sera disponible l’année prochaine.
Une frontière floue entre influence et lobbying
SHEIN est inscrit au registre de la HATVP (Haute Autorité pour la transparence de la vie publique) au titre de la représentation d’intérêts. Cette inscription soulève une interrogation : les vidéos publiées par Magali Berdah relèvent-elles de la simple influence, ou participent-elles d’une stratégie de lobbying ? L’intéressée affirme entretenir des relations avec plusieurs responsables politiques, y compris au sein du gouvernement.
Lorsque la législation sur les représentants d’intérêts a été mise en place, les influenceurs ne faisaient pas partie du paysage. Mais face à l’évolution de leur rôle dans l’espace public, certains pourraient s’interroger sur la nécessité d’une adaptation du cadre légal.
Après avoir recruté Christophe Castaner et l’ancien commissaire européen Günther Oettinger, l’enseigne s’offre donc une influenceuse, qui traîne une mauvaise réputation.
Une opération de promotion à un moment très opportun
La proposition de loi d’Anne-Cécile Violland a été adoptée à l’Assemblée nationale en mars 2024. La dissolution étant passée par là, le texte est resté en suspens durant un an, avant d’être examiné par la commission du développement durable du Sénat.
Ainsi que le note la rapporteure du texte, Sylvie Valente Le Hir : « Défendre l’idée que la mode éphémère bénéficie aux classes populaires a autant de sens que défendre la restauration rapide au nom de l’alimentation pour tous ! »
Le texte a été adopté en commission, bien que partiellement vidé de sa substance. Il sera examiné en séance publique les 2, 3 et 10 juin 2025, avant de revenir au Palais Bourbon.
Il reviendra aux élus — dont certains ont participé à son émission — de se prononcer sur ce flou réglementaire.
Stéphane Vojetta a déjà son opinion sur cette opération commerciale et répond avec un trait d’humour « La méthode est intéressante. Du coup, j’imagine qu’on ne tardera pas à voir Tony Montana venir faire du micro-trottoir pour discréditer la loi sur le narcotrafic ».
Enfin, au niveau européen, même si le texte n’est pas adopté, les autorités communautaires ont décidé de sévir contre ces enseignes. Il est donc probable qu’à moyen terme, elles ne puissent vendre quoique ce soit en Europe.