Les sénateurs ont voté la loi anti-Shein, avec une interdiction de publicité la marque pour les influenceurs.
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Shein va perdre sa principale source de revenus : les réseaux sociaux

Cet après-midi, les sénateurs ont voté la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile. Ce texte est désormais connu sous la dénomination « loi anti-Shein », tant ce mastodonte de la mode jetable et écocide est devenu la bête noire à la fois de l’industrie textile, mais aussi des personnes soucieuses de l’environnement.

Un modèle marketing efficace et peu cher

Shein s’était surtout fait connaître via les réseaux sociaux, en particulier sur TikTok et sur Instagram, grâce à des mises en valeur par des influenceuses. Il ne s’agissait pas toujours de contenus sponsorisés, c’est-à-dire, payés par Shein.

Nombreuses sont les influenceuses qui vantaient les mérites de la marque, notamment pour sa diversité, ses prix cassés et pour l’abondance de modèles et de tailles. Ce n’est que très récemment que la marque s’est offert des publicités plus traditionnelles.

Mais, la nouvelle version de la proposition de loi, initiée par Anne-Cécile Violland, du groupe Horizons, si elle est votée en l’état en commission mixte paritaire (CMP), va mettre un coup d’arrêt brutal aux revenus des influenceuses, mais aussi au business-modèle de Shein.

Un durcissement du texte par les sénateurs

En effet, l’article 3 interdit la publicité pour les enseignes de fast-fashion. Comme l’a indiqué Vanina Paoli-Gagin (Les Indépendants – République et Territoire) lors de la discussion au Sénat, « seule une interdiction globale de la promotion publicitaire permettra d’éviter le report des dépenses vers d’autres supports ou médias, lequel provoquerait en outre un renchérissement du coût de la publicité pour les autres acteurs, y compris vertueux, du secteur ».

Thomas Dossus (Écologiste – Solidarité et Territoires) a abondé dans le même sens « En encadrant la publicité relative à la fast fashion, nous affirmons que nous ne voulons pas de ce modèle de consommation. ».

Mais, c’est Didier Mandelli (Les Républicains) qui est allé plus loin, avec le vote de son amendement qui a permis la naissance de l’article 3 bis « Cet amendement vise à préciser que l’interdiction faite aux influenceurs de promouvoir les produits relevant de la mode éphémère s’applique, quelle que soit la nature de la contrepartie. Ainsi, l’interdiction vaudra, que la publicité soit effectuée à titre gracieux ou onéreux, et qu’elle fasse l’objet d’une compensation en espèces sonnantes et trébuchantes ou en dons, en prêts de vêtements ou en voyages. À cette heure avancée de la nuit, je suis tenté de dire qu’il serait heureux que les influenceurs ne soient pas rétribués en vêtements. En effet, compte tenu des tarifs qu’ils pratiquent et du prix des produits de la mode éphémère, il faudrait faire venir de Chine des containers entiers de vêtements pour les rémunérer ! »

L’article prévoit également des sanctions, à savoir une amende administrative d’un montant maximum de 100 000 €, pour les influenceurs.

Temu dans le viseur

Un autre mécanisme a été institué afin de décourager les consommateurs : une taxe sur les petits colis livrés par les entreprises établies hors de l’Union européenne. La taxe sur les petits colis sera fixée par arrêté et sera établie entre 2 € et 4 €. Cela vise aussi bien Shein que Temu, l’autre géant qui a débarqué sur les réseaux sociaux, avec ses produits à très bas prix et de qualité déplorable.

Temu a appliqué la même recette que Shein : assurer la promotion presque exclusivement sur les réseaux sociaux et en cassant même les codes. En effet, lors de son arrivée dans les pays occidentaux, Temu proposait une sorte de programme d’affiliation.

Cela existait déjà dans le secteur de l’informatique, mais c’était inédit dans le commerce « matériel ». Les internautes s’inscrivaient chez Temu, recevaient des codes d’affiliation, à insérer sur leurs contenus de réseaux sociaux et à chaque vente opérée, l’internaute recevait un pourcentage. Le programme était réservé à certains pays : États-Unis, Japon, Corée du Sud et Union européenne, avec vérification de l’identité.

Mais, cela a suffi pour faire boule de neige et se répandre très rapidement chez les connaisseurs du marketing en ligne, permettant à l’entreprise chinoise de toucher des millions de consommateurs potentiels, pour une dépense publicitaire très vite absorbée.

La proposition de loi sur la fast-fashion ne concerne que la fast-fashion. Néanmoins, si elle passe le cap de la CMP puis du Conseil constitutionnel, les parlementaires auront un cadre juridique assez clair pour le décliner pour Temu.

Un lobbying sans effet

Shein a tenté d’infléchir la position des parlementaires, par des campagnes traditionnelles. Il y a eu l’opération marketing de Magali Berdah — dont on ne sait pas encore combien elle a coûté — le recrutement d’anciens membres du Gouvernement, dont Christophe Castaner, mais aussi une campagne d’affichage « la mode est un droit, pas un privilège ».

Si le slogan peut faire mouche, juridiquement, cela ne tient pas la route. En dépit de la créativité sans limites des parlementaires et des ministres, il n’existe pas de droit opposable à la mode.

Il reste donc l’étape de la CMP, dont on ne connaît pas encore la date, et on peut penser qu’elle sera conclusive. À droite, on brandit la défense de l’industrie textile française et à gauche, la question environnementale et le respect des droits humains. En effet, qu’il s’agisse de Shein ou de Temu, les deux enseignes sont très fortement suspectées de recourir à l’esclavage, notamment des Ouïghours.

Le texte a été voté à la quasi-unanimité au Sénat, seul Rachid Temal a voté contre, mais comme nous l’indiquons ci-dessous, il s’agit d’un problème technique.

Article mis à jour le 11 juin 2025 à 13 h 25

Rachid Temal nous a contactés concernant son vote. Il y a eu un problème technique, qu’il a fait remonter. Le compte rendu écrit de la séance du 10 juin 2025 n’est pas encore intégralement disponible au moment où ces lignes sont écrites. Néanmoins, nous avons pu isoler ce passage « Lors du scrutin public n°303, je voulais voter pour. La machine n’a pas fonctionné : j’ai pourtant bien appuyé sur bleu ! ». Le texte a donc été adopté à l’unanimité.