Sans confiance, les investisseurs sont aux abonnés absents, ce qui a pour effet de ralentir la croissance et donc la création d'emploi et la France est entrée dans un cercle vicieux.
Radio-Buvette

Pourquoi les dernières législations concernant le numérique auront un impact négatif sur la croissance

*Cet article a été écrit avec l’aide de Jef Mathiot (@TouitTouit).*

Nos camarades NetxINpact et de Reflets.info, ainsi que le collectif La Quadrature Du Net, ont déjà longuement glosé sur les violations à la vie privée que constituaient les dernières législations visant le numérique, que ce soit la dernière réforme pénale, la loi de programmation militaire, la loi de lutte contre le terrorisme, la loi renseignement ou encore la dernière prorogation de l’état d’urgence.

Depuis les derniers attentats, on assiste à une forme de collégiale des différents responsables qui semblent tous s’être mis d’accord pour dire que « les géants du Web sont des collaborateurs passifs de Daesh* » et qu’il fallait permettre aux différents services d’obliger lesdits géants à collaborer, voire à laisser les services compétents à intercepter les communications.

Que l’on se rassure : légalement, c’est déjà faisable en ce qui concerne le volet interceptions. En effet, le paysage juridique actuel permet aux services compétents d’intercepter et de capter toutes les informations qu’ils estiment utiles à partir du moment où une personne est analysée comme menaçante.

Mais ces mesures – dont l’efficacité et l’efficience restent à démontrer – comportent un volet sur lequel personne ne s’est réellement penché : l’impact économique.

L’ambition affichée du Gouvernement est de faire de la France une place forte du numérique, avec la velléité de concurrencer la Silicon Valley. Pour cela, différents mécanismes, notamment fiscaux, ont été mis en place pour inciter les entreprises étrangères à s’installer en France, à y recruter du personnel, etc. Mais pour s’installer, encore faut-il avoir confiance. Quel chef d’entreprise sain d’esprit s’installerait dans un pays où il sait que potentiellement toutes les communications qu’il va avoir avec ses partenaires, spécialement financiers, vont être interceptées, stockées et analysées ?

En effet, l’articulation des textes est telle que ce n’est pas seulement un individu isolé qui fait l’objet d’une surveillance numérique, mais tout son entourage, ce qui inclut aussi son entourage professionnel. Or, la confiance est le point clef pour l’investissement et si les investissements sont en baisse, la croissance est en panne, ce qui ralentit la consommation et évidemment, défavorise la création d’emploi.

Une autre difficulté peut surgir : l’espionnage industriel. De la même façon qu’en sécurité informatique, le postulat n’est pas « est-ce qu’on va se faire attaquer » mais « quand va-t-on se faire attaquer », dans le monde professionnel, cela n’est pas « est-ce que quelqu’un est corruptible » mais « combien doit-on mettre sur la table pour l’acheter ? ». À ce jour, la multiplication des intervenants de la chaîne de la surveillance numérique en font autant de maillons faibles. Il n’est nullement question de remettre en doute la probité des agents et des fonctionnaires, mais le corpus législatif relatif à la surveillance a introduit un risque qui était minoré. Il n’existe aucune garantie pour les chefs d’entreprise que leurs informations professionnelles ne se retrouveront pas entre de mauvaises mains, notamment celles de leurs concurrents directs ou indirects. La multiplication des acteurs rendra encore plus facile la fuite d’informations. Le problème est que la France est déjà perçue comme étant un État dans lequel l’espionnage industriel est une activité comme une autre.  Dans le cas de l’espionnage industriel de la France envers les entreprises américaines, elle est analysée comme étant agressive et massive depuis les années 1980 et pour les Allemands, la France a une politique concernant l’espionnage industriel encore plus laxiste et permissive que la Chine et la Russie.

Les entreprises liées au numérique ne sont pas les seules concernées. Quel groupement aurait envie dans ces conditions de venir travailler en France si ses secrets industriels, sa propriété industrielle et intellectuelle et ses documents financiers risquent de se retrouver en « open-data », au mieux dans les mains des agences gouvernementales Françaises, au pire, dans celles de ses concurrents ? Qui peut garantir l’intégrité de l’ensemble des intervenants qui auront à connaître des communications ?  

Il ne peut pas y avoir d’économie stable et florissante sans confiance, mais cette confiance passe aussi par la garantie donnée par l’État que les entrepreneurs vont pouvoir préserver un minimum de confidentialité. 

*Cette citation est celle d’Olivier Falorni*