Travail et vie privée : des disparités genrées et territoriales au sein de l’Union européenne
Eurofound est une agence tripartite de l’Union européenne, dont la mission est de fournir des connaissances pour améliorer les politiques sociales, d’emploi et de travail. Le 13 janvier 2025, l’agence a publié une étude approfondie sur la qualité de vie dans l’UE. Dans le deuxième volet de son étude, l’agence met en avant un recul du télétravail, qui se traduit par une dégradation de la qualité de vie.
Télétravail en recul, travail hybride en progression
Durant la pandémie de COVID-19, le télétravail s’était imposé comme une solution incontournable pour de nombreuses entreprises. Toutefois, le retour au travail sur site tend désormais à redevenir la norme, entraînant une dégradation ressentie de la qualité de vie. L’étude révèle une chute notable des offres en télétravail : elles représentaient 24 % des emplois en 2022, contre seulement 14 % en 2024. En revanche, les postes hybrides – combinant travail à distance et en présentiel – ont connu une forte progression, atteignant 44 % des emplois en 2024.
Cette transition semble répondre aux attentes des salariés. Plus de la moitié d’entre eux (56 % des femmes et 54 % des hommes) préfèrent un modèle hybride, combinant les avantages du travail à domicile avec ceux de la présence sur site. Cependant, peu souhaitent s’engager exclusivement dans le télétravail.
Disparités genrées et géographiques
L’étude met également en lumière des disparités marquées selon le genre et la géographie. Les femmes sont davantage cantonnées au travail sur site ou à domicile, tandis que les hommes bénéficient plus souvent de conditions hybrides.
Les écarts sont pareillement flagrants entre pays européens. À Chypre, une majorité écrasante ne travaille jamais à domicile (75 % des hommes et 78 % des femmes). À l’inverse, aux Pays-Bas, le modèle hybride domine : 83 % des hommes et 72 % des femmes y adhèrent. En France, une distinction genrée persiste : 33 % des hommes ne télétravaillent jamais contre 44 % des femmes.
En 2021, le Comité Social et Économique Européen avait attiré l’attention des décideurs européens afin que le télétravail ne soit pas un facteur aggravant pour les femmes et en 2023, le Haut Conseil à l’égalité entre les Hommes et les Femmes appelait à un renforcement des politiques publiques d’accueil de la petite enfance et de manière plus globale, à ce que le télétravail ne soit pas un facteur supplémentaire d’inégalité entre les hommes et les femmes.
Anxiété et surcharge mentale en hausse
Le recul du télétravail semble exacerber une tendance inquiétante : la montée des angoisses liées au travail. Alors que 24 % des salariés exprimaient des inquiétudes professionnelles en 2022 et 2023, ce taux est remonté à 30 % en 2024. Pire encore, 30 % des répondants affirment que leur travail empiète sur leur vie de famille, un record depuis le début de l’étude.
La situation économique dégradée, couplée à une baisse du niveau de vie, pourrait expliquer en partie cette évolution. Les cadres, souvent mieux positionnés pour accéder au télétravail (61 % en 2023), bénéficient d’une certaine flexibilité. Mais cette liberté a un coût, notamment pour les femmes, chez qui le télétravail reste associé à une charge mentale accrue en raison des tâches domestiques.
Le modèle hybride, une solution d’équilibre ?
L’étude croisée d’Eurofound et de la DARES pointe vers une conclusion partagée : le modèle hybride pourrait représenter le meilleur compromis pour les Européens. Il offre une autonomie précieuse tout en préservant des opportunités de socialisation et de soutien moral sur le lieu de travail. Par ailleurs, ce système permettrait de mieux répartir les responsabilités domestiques, répondant ainsi aux besoins des salariés tout en améliorant leur qualité de vie.
Reste à voir comment les pouvoirs publics, aussi bien au niveau national qu’européen, vont pouvoir concilier les aspirations des européens. Car, l’autre paramètre qui fait revenir sur site une partie des salariés est le logement et l’enclavement des territoires. Or, dans ce domaine, les différents Gouvernements depuis 2017 n’ont pas offert de solutions viables.