
L’UDR expérimente la méthode du retrait et finit par avorter sa niche
On savait que la journée parlementaire dédiée aux propositions de loi du groupe UDR, également appelée niche parlementaire, serait explosive.
Les espérances n’ont pas été déçues.
Retrait de la dénonciation de l’accord franco-algérien
Alors qu’Éric Ciotti avait annoncé à cor et à cri qu’il fallait dénoncer l’accord franco-algérien, qui permet certaines facilités de circulation, le texte a été retiré dès le début de la séance du matin.
Mais, à la tribune, le président du groupe UDR a justifié sa décision : « Ce débat parlementaire intervient à quelques jours du 1ᵉʳ juillet, date du verdict qui concerne notre compatriote Boualem Sansal. […] Mais aujourd’hui, dans un esprit de responsabilité et parce que nous souhaitons ardemment la libération de Boualem Sansal, nous retirons provisoirement cette proposition de résolution. »
Ce retrait s’est fait de manière très consensuelle, saluée par le ministre délégué chargé du Commerce extérieur et des Français de l’étranger, Laurent Saint-Martin, et par les députés.
Il n’en a pas été de même pour le texte sur le droit fondamental d’éligibilité.
Opération sauver Marine Le Pen : mission avortée
Le deuxième texte, intitulé « Proposition de loi visant à protéger l’effectivité du droit fondamental d’éligibilité », n’avait qu’un seul but : empêcher l’exécution provisoire d’une peine d’inéligibilité pour les élus.
Argument mis en avant : le respect des principes fondamentaux du procès pénal. En effet, on est toujours présumé innocent jusqu’à ce qu’une condamnation soit définitive.
Mais dans le cas de la peine complémentaire d’inéligibilité, celle-ci peut s’appliquer immédiatement pour les élus locaux, même en cas d’appel. Pour les parlementaires, les élus ne sont pas déchus de leur mandat – contrairement aux maires ou aux conseillers départementaux ou régionaux – mais ils ne peuvent pas se présenter à une nouvelle élection.
Or, le calendrier judiciaire de Marine Le Pen fait que sa peine complémentaire sera probablement toujours d’actualité au moment de l’élection présidentielle de 2027. Preuve qu’elle n’est pas optimiste : elle prépare Jordan Bardella à être candidat.
On savait que l’UDR était le fruit d’une passion avec le Rassemblement national et qu’il compte peu de membres. C’est d’ailleurs le plus petit groupe de la XVIIe législature.
Dans une atmosphère électrique, les débats se sont enchaînés pour finalement aboutir à un second retrait du texte. Tant pis pour Marine Le Pen : il fallait sauver le mariage et, éventuellement, Robert Ménard.
Ragequit du groupe UDR
Sur le Web, quand quelqu’un quitte rageusement une discussion, on dit qu’il a « ragequit ». On ne pensait pas utiliser cette expression pour parler des députés. C’est pourtant ce qu’il s’est passé.
Une bonne partie de l’après-midi a été consacrée à la proposition de loi visant à renforcer les prérogatives des officiers de l’état civil et du ministère public pour lutter contre les mariages simulés ou arrangés.
Derrière cet intitulé abscons, il faut comprendre : « donner aux maires le pouvoir de refuser de marier des personnes en cas de soupçons de mariage blanc ». Aujourd’hui, en cas de doute, il doit saisir le procureur de la République, mais n’a pas le droit de refuser de célébrer le mariage.
Mais c’était sans compter sur la créativité des députés de gauche, qui ont multiplié les prises de parole, les demandes de scrutins publics et les rappels au règlement.
Tant et si bien qu’Éric Ciotti a fini par demander l’aide du gouvernement : utiliser l’article 44, alinéa 2 de la Constitution, qui permet de tailler dans le vif des amendements. Le gouvernement est resté sourd à cette demande.
Vers 22 h 45, alors que l’ambiance devenait de plus en plus orageuse, Éric Ciotti s’en est pris sévèrement à Gérald Darmanin, l’accusant de trahison et lui assénant : « Vous ne serez jamais président. »
Après quelques échanges de noms d’oiseau, l’inédit est survenu : l’ensemble du groupe UDR et du Rassemblement national ont quitté l’hémicycle. Y compris le rapporteur du texte. Or, sans rapporteur de texte, on ne peut pas poursuivre. On ne sait pas si cela est déjà arrivé avant, mais en douze ans de vie parlementaire, c’est la première fois que l’on voit un rapporteur quitter l’examen de son propre texte, qu’il doit défendre.
Après deux retraits et un avortement, en dépité de la proposition de loi pour la relance d’une politique nataliste, qu’ils ont déposé, à l’UDR, on a visiblement du mal avec les accouchements réussis.
On retiendra deux perles de cette niche désastreuse.
La première est celle de Roland Lescure à Antoine Léaument : « Êtes-vous amoureux, M. Léaument ? », ce qui a eu pour effet de détendre l’atmosphère.
Et la seconde, de Pierre Cazeneuve, commentant le départ des députés UDR : « Éric Ciotti restera dans les poubelles de l’Histoire. »
C’est ainsi qu’à 23 h 27, Roland Lescure a annoncé la levée de la séance. On espère que les esprits seront plus apaisés demain pour la reprise de l’examen du texte sur Mayotte.