Le débat sur l'Ukraine à l'Assemblée du lundi 3 mars 2025 a montré que les députés n'étaient pas à l'unisson sur ce dossier.
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Une Assemblée désunie sur le soutien à l’Ukraine

Prévu avant la coupure pour cause de vacances parlementaires, la session ordinaire a repris avec un débat consacré à la sécurité et à la guerre en Ukraine.

La scandaleuse attitude de Donald Trump et JD Vance face à Volodymyr Zelensky vendredi 28 février 2025 a changé les règles du débat. Désormais, il apparaît que les Européens n’ont plus seulement à gérer la Russie, mais aussi les États-Unis, qui entendent nous laisser seuls.

Sauf que là où on pouvait attendre une parole présidentielle, les députés ont dû se contenter du Premier ministre.

C’est une affaire entendue : le militaire et la défense font partie de ce qu’on appelle le domaine réservé du président de la République.

Dès lors, à quoi sert un débat, mené plus ou moins par le Premier ministre ? Ce dernier avait-il des éléments à communiquer ? Un nouvel axe politique ? Des mesures de dépenses ou d’économie ?

Non.

L’objectif était clairement de se faire plaisir. Chacun s’est écouté parler, à la tribune durant quatre heures.

Officiellement, l’exercice sert à identifier formellement les positions des groupes sur le nouvel axe Trump/Poutine, de façon plus tangible et plus ferme que sur des plateaux de télévision ou des tweets. Libre à chacun d’aller lire le compte rendu pour comprendre la position des députés.

En réalité, l’exercice consiste surtout à se mettre en valeur pour ses électeurs, à faire la petite phrase pour faire joli sur les réseaux sociaux.

Pour Pieyre-Alexandre Anglade, président de la commission des affaires européennes, l’exercice n’est pas aussi superficiel que cela. « Depuis vendredi dernier, les règles du jeu ne sont plus les mêmes. Avoir ce débat permet de savoir comment les partis, notamment les partis d’opposition se positionnent et s’ils écoutent les inquiétudes des Français sur ce sujet, car, oui ils sont inquiets. En tant que député, cela nous permet aussi d’avoir des éléments pour travailler en commun sur ce sujet, pour les faire remonter à l’exécutif ».

Stéphane Mazars ne dit pas autre chose « les Français sont très inquiets de la situation et il faut faire remonter cette inquiétude ».

S’ils affichent un soutien de façade, à la tribune, les députés ont un autre discours.

Marine Le Pen appelle à soutenir l’Ukraine « avec réalisme » et balaie l’hypothèse de l’adhésion à l’OTAN et à l’Union européenne, qui « va incontestablement à l’encontre de nos intérêts ».

Éric Ciotti n’a donné aucune solution ou idée, si ce n’est pour fustiger la politique internationale d’Emmanuel Macron, à s’inspirer plus du gaullisme et à renforcer le régalien plutôt que le social.

La France Insoumise a critiqué la dépendance de la France vis-à-vis des États-Unis et ne souhaite pas réellement s’embarquer dans une discussion budgétaire sur ce sujet.

Faire remonter à l’exécutif alors que c’est le domaine réservé du président de la République, est-ce possible ? « Le domaine réservé du président de la République est une fable gaullienne. Bien sûr que les députés ont leur mot à dire puisque c’est nous qui ratifions les traités. Il suffit de lire la Constitution. Le domaine réservé n’y existe pas. Et dans le contexte actuel où le président de la République n’a pas de majorité, le Parlement peut revenir au centre du jeu. Encore faut-il qu’il y ait quelque chose à décider. Le Premier ministre s’est arrêté à l’introduction, mais n’a pas développé de solution », indique Charles de Courson, le très serein rapporteur général du budget.

En effet, celui qui attendait des éléments concrets aujourd’hui est reparti bredouille. Comme pour la majorité des sujets, la clef est purement budgétaire et l’épisode du projet de loi de finances montre bien qu’un consensus émerge difficilement.

Dans ce domaine, on voit mal comment il pourrait aboutir avec l’extrême-droite d’un côté et La France Insoumise de l’autre. En théorie, la majorité présidentielle, la Droite Républicaine et éventuellement le groupe socialiste et le groupe écologiste peuvent arriver à faire naître un accord. En pratique, c’est autre chose. L’exemple du budget l’a montré : alors que le Rassemblement national était parfaitement disposé à baisser encore plus la franchise de TVA pour les microentreprises, après la levée de boucliers de ses derniers, ils ont pris une position totalement à l’opposé des amendements qu’ils avaient déposés.

L’absence d’éléments concrets lors de l’allocution du Premier ministre explique aussi les défections des députés en hémicycle. À la fin de la séance à 21 h, il y avait à peine une cinquantaine de députés.

Et l’Europe dans tout ça ?

« L’Union européenne n’a pas cette compétence. Le militaire et la défense ne sont pas dans ses prérogatives » souligne Charles de Courson.

D’autant qu’il reste un point pour lequel personne n’a de solution : comment se passer des Américains et surtout des solutions américaines ? L’exemple récent du recours à Starlink à Mayotte après Chido montre qu’entre les discours sur la souveraineté et le terrain, il y a un monde.

Vendredi soir, dans un article du New York Times, un responsable américain anonyme indiquait tous les envois d’équipement militaire à l’Ukraine décidés à la fin du mandat du précédent président Joe Biden pourraient être stoppés immédiatement.