Une ferme de sites au service de Georgescu et de Simion
Si on ne peut pas négliger le facteur TikTok dans le gain politique de Georgescu, le facteur Meta (Facebook et Instagram) compte beaucoup.
Meta indique que Facebook compte 9 millions d’utilisateurs en Roumanie et 5,3 millions pour Instagram. La portée publicitaire de Facebook correspond à 45,9 % de la population totale en 2024. Si quelqu’un a bien compris le potentiel de Meta, c’est bien Georgescu et surtout le parti AUR, dont il a été purgé.
Sur la base des informations de la bibliothèque publicitaire de Meta, il a été possible de mettre au jour, une petite galaxie de pages et de sites.
Une nuée de pages et de sites
En tout, on dénombre 32 pages Facebook qui se revendiquent comme étant des sites d’actualité, d’information, parfois de divertissement, mais qui ont toutes fait campagne pour AUR. Huit d’entre elles sont liées techniquement.
Point commun entre ces huit pages ? Toutes se présentent comme des sites d’information ou d’enquête. Aucune ne revendique ouvertement d’être un site ou une page de parti politique ou d’organisation militante. Toutes ont utilisé des publicités Facebook ou Instagram, de temps en temps les deux, mais, pas pour promouvoir leurs sites, mais pour partager des visuels de campagnes assez virulents.
Ces visuels sont tous les mêmes : ils mettent en scène Elena Lasconi, en utilisant un code couleur assez précis : noir, jaune et rouge, avec des messages qui laissent peu de place à la nuance. Les termes de mafia reviennent assez souvent. L’actuel président de la Roumanie, Klaus Iohannis est aussi pris pour cible, de même que Marcel Ciolacu, dans une moindre mesure.
Des montants astronomiques pour des ressources inconnues
En épluchant les dépenses de publicité, on arrive à des sommes assez importantes. L’une des constellations de sites liés entre eux a dépensé en tout 728 780 lei depuis leurs créations, soit un total de 146 442,66 €. Cela représente 8 068 publicités validées par Facebook. La page 60m.ro est celle qui a le plus dépensé avec 3 163 publicités validées par Facebook pour un montant de 378 950 lei (76 147,05 €).
Devant ce chiffre assez important — le salaire moyen brut en Roumanie pour 2024 est de 8 355 lei (1 678,86 €) — on s’interroge. Car, 60m.ro ne peut pas compter sur ces seuls revenus AdSense. Sur la base d’un rapport de Similar Web, qui permet d’avoir une idée du trafic, on peut estimer que le site génère entre 30 $ et 70 $ pour le mois d’octobre. Sur ce même mois, 60m.ro a utilisé 230 publicités Facebook. Quant au site, il compte au moins 18 plumes — bénévoles ou non — et la page Facebook est gérée par 23 personnes : 22 en Roumanie, une en Moldavie. Elle compte approximativement 187 5000 followers et 65 610 likes.
Autre point commun entre tous ces sites : aucune mention légale, aucune information relative à la rédaction, aucune adresse postale, tous sont construits avec WordPress, parfois avec les mêmes thèmes et surtout : ils ont tous le même numéro d’identification AdSense, ce qui laisse supposer qu’une même entité — personne ou entreprise — utilise ces sites. Exception dans les 32 pages Facebook recensées : Panorama.ro qui annonce clairement être une entreprise. En tout, elle a dépensé 66 123 lei (13 285,18 €) pour 234 publicités. Pourtant, cette entreprise a toujours été déficitaire.
En effet, les règles d’AdSense sont très claires : on peut avoir plusieurs sites, monétisés avec la régie publicitaire de Google, mais, une même personne ne peut pas ouvrir différents comptes, sous peine d’être banni. AdSense vérifie d’ailleurs régulièrement l’identité des éditeurs, pour des raisons fiscales.
Des connexions entre les pages grâce à leur numéro de téléphone
Mais, des données intéressantes ont pu être découvertes, non pas sur Google, mais sur Facebook : les adresses et les numéros de téléphone. Sur chaque publicité, dans l’onglet « à propos de l’avertissement » figurent un numéro de téléphone, une adresse email et une adresse postale.
L’une des adresses — quand elles sont complètes — qui revient le plus souvent est celle de la maison de la presse à Bucarest. Il s’agit d’un gigantesque bâtiment dans lequel cohabitent plusieurs rédactions et agences de presse, y compris des maisons tout à fait respectables. Il est probable que cela serve de boîte postale.
Mais, comme l’ont découvert nos confrères d’Adevarul*, l’une des adresses n’est pas inconnue : il s’agit du siège d’AUR dans la circonscription de Tunari. Quant aux autres, il n’y a qu’une simple mention de la ville, sans plus d’informations.
Un autre élément ressurgit grâce aux numéros de téléphone : 60m.ro et Anchetetorii ont le même numéro de téléphone, qui renvoie également vers un bureau d’architecte à Tunari. 4media.info et actiunea.ro ont aussi indiqué le même numéro de téléphone, qu’ils partagent avec criticii.ro, Economistii.RO et Gazetarii.RO. Ce numéro ne renvoie vers aucune autre source ou élément de localisation.
5news.ro et TemaZilei.RO partagent le même numéro de téléphone. C’est aussi le cas de Romania365 et de SalutVecine, tout comme Presa Românească et Viața Politică. Enfin, Curierul Românesc, Political.RO et Ropres.RO ont aussi mis en commun leur numéro de téléphone. Curierul Românesc et Ropres.RO ont aussi la même adresse postale.
Enfin, on constate que si certains ont donné des adresses mail « classiques », d’autres sont passés par un service bien particulier : Guerrilla Mail, qui permet de masquer sa véritable identité. Beaucoup de précautions pour des sites d’informations, qui prônent notamment la transparence.
Nous avons sollicité 60m.ro par email. La structure n’a pas donné suite à nos questions.
*Et on en veut beaucoup à nos confrères d’avoir sorti l’information avant nous.