
YouPorn inaccessible en France, les « tubeurs » se frottent les mains
Aylo, anciennement Mindgeek, éditeur de sites pour adultes, a pris la décision de rendre inaccessibles en France trois de ses sites : YouPorn, PornHub et RedTube.
Raison de cette indisponibilité ? L’obsession des politiques français pour la vérification d’âge des internautes.
La vérification effective de l’âge des internautes en question
En effet, les pouvoirs publics souhaitent que les plateformes de contenus pornographiques vérifient réellement l’âge des internautes, autrement que par une simple fenêtre permettant à l’utilisateur de cliquer sur « oui, j’ai plus de 18 ans ».
Techniquement, cela est difficile. Les mineurs peuvent avoir accès à des cartes bancaires, ce qui rend cette option inutile. Reste le dépôt d’une pièce d’identité sur le site.
Or — et les clients de Free sont bien placés pour le savoir — à ce jour, il n’existe plus aucun service en ligne qui soit sûr à 100 %. Tous les services hébergeant des données personnelles sont susceptibles d’être victimes d’une attaque informatique. Au bout de la chaîne : chantage pour les amateurs de contenus pornographiques, tentatives d’escroquerie ou simple revente sur des sites spécialisés.
L’actuelle vague d’escroqueries menées par de faux conseillers bancaires montre qu’avec un peu de bagout, il est très facile d’extorquer des centaines ou des milliers d’euros.
Le risque avec les pièces d’identité est démultiplié. Grâce à une carte nationale d’identité ou un passeport, on peut contracter des prêts, ouvrir des comptes bancaires, des lignes téléphoniques — tout cela sans que les victimes soient informées des malversations avant des mois.
Sous la pression, Aylo a donc rendu indisponibles les trois sites, pour éviter de faire courir des risques démesurés à ses clients. Derrière cette victoire politique, se cachent deux réalités techniques qui font le bonheur d’autres acteurs.
Congratulations politiques
Chez nos confrères de Public Sénat, Claire Chappaz s’est félicitée pour cette indisponibilité : « Comme un videur en boîte de nuit, il nous faut aujourd’hui une vérification d’âge ».
Jean-Noël Barrot a été encore plus véhément : « Des sites pornographiques préfèrent quitter la France plutôt que de protéger nos enfants en vérifiant l’âge de leurs utilisateurs, comme la loi SREN que j’ai portée le leur impose ? Bon débarras ! »
VPN et reuploaders, grands gagnants de l’affaire
Les premiers à se réjouir de cette indisponibilité sont évidemment les fournisseurs de VPN. Ces outils permettent de se connecter à un serveur dans un autre pays. Très pratiques pour enquêter dans certains contextes, ils sont de plus en plus simples à utiliser.
Un abonnement mensuel coûte moins de 10 € chez certains prestataires bien implantés sur le Web et permet de donner l’impression qu’on se connecte depuis les États-Unis, la Pologne ou encore la Russie.
S’il était évident qu’ils seraient les premiers à bénéficier de cette publicité inespérée, une autre catégorie de prestataires, moins connue du grand public, a également sabré le champagne : ceux qu’on pourrait appeler les reuploaders.
Reupload depuis YouPorn: mode d’emploi
Le porno, c’est d’abord un business, et sur le Web, tout le monde veut sa part du gâteau, dans un marché ultraconcurrentiel.
Comment ? En reprenant les vidéos des principaux sites de pornographie. Comme pour les sites d’actualité, il existe aujourd’hui des scripts prêts à l’emploi qui permettent de télécharger en masse les vidéos des sites connus, pour les ajouter directement sur son propre site.
Comptez entre 49 € et 297 € pour une licence à vie — la version la plus chère vous permettant de récupérer autant de vidéos que souhaité, sur autant de sites que désiré.

Reste à trouver un hébergeur. Mais dans ce milieu, les bons hébergeurs sont connus, et tout le monde se refile les adresses, ainsi que celles des prestataires de publicité pour monétiser les contenus.
Derrière, il suffit d’assurer la promotion, et là, les choses sont encore plus simples : les réseaux sociaux sont mis à contribution — X (anciennement Twitter), mais aussi Instagram, avec des contenus plus softs, TikTok, ainsi que OnlyFans, MYM et Tinder.
L’application de rencontres est d’ailleurs devenue un véritable outil marketing pour les éditeurs de pornographie, au point qu’il existe des places de marché pour acheter des comptes Tinder.
Les reuploaders fauchés
Une autre catégorie pourrait aussi tirer profit de cette inaccessibilité : les reuploaders fauchés.
En effet, entre le nom de domaine, l’hébergement et les scripts, il faut une mise de départ pour lancer son propre site de contrefaçon.
Comment faire pour tout de même tirer profit de la situation sans avoir à débourser un centime ? En téléchargeant depuis les sites inaccessibles et en téléversant les vidéos sur d’autres « tubes ».
Certains sont regardants sur leurs utilisateurs, d’autres s’en fichent totalement — et cela reste une valeur sûre pour se générer un revenu passif.
S’il peut sembler minime pour des Français ou des Américains, dans certains pays, notamment d’Asie du Sud-Est, les quelques centaines d’euros que cette activité génère sont suffisants — et sans réel danger.
Un marché parallèle hors de contrôle
C’est un business entièrement basé sur la contrefaçon de contenus, qui existe depuis des années et contre lequel tout le monde est impuissant. Pour un site neutralisé, quinze autres voient le jour dans l’heure, les hébergeurs étant souvent situés dans des pays où la coopération internationale n’est pas vraiment à l’ordre du jour.
Derrière une apparente victoire, les politiques français viennent de fournir un plan de communication et de marketing en or massif à tous les reuploaders de porno.